Dans une tribune au JDD, le député de Paris et vice-président de l'Assemblée nationale Hugues Renson défend la réforme de l'exécutif pour les prisons, notamment le développement des peines alternatives.
"Les maux de nos établissements pénitentiaires sont connus de tous depuis de très nombreuses années et peuvent se résumer en trois mots : vétusté, insalubrité et surpopulation.
La vétusté ne date pas d'hier, c'est d'ailleurs pour cela que dès 2002, le Président Jacques Chirac avait créé un secrétariat d'État chargé des programmes immobiliers de la justice. Cette volonté affichée ne s'est malheureusement, aujourd'hui comme hier, pas suffisamment traduite dans les faits. L'insalubrité aussi, quand certains établissements sont infestés par les rats, cafards, punaises et autres puces de lits. La France a d'ailleurs été condamnée à de nombreuses reprises par la Cour Européenne des Droits de l'Homme pour traitements inhumains et dégradants au regard des conditions de détention infligées à ses détenus.
La surpopulation, une situation "indigne"
Et que dire de la surpopulation carcérale! Au 1er avril 2018, la France atteignait un nouveau record avec 70.367 détenus pour 59.459 places opérationnelles. Parmi ces détenus, 20.472 étaient incarcérés dans des centres pénitentiaires sur-occupés à plus de 150% et pas moins de 1.628 dormaient sur des matelas posés à même le sol! Cette situation, indigne, crée des tensions extrêmes et suscite des violences verbales et physiques entre détenus, mais aussi envers les personnels de l'administration pénitentiaire.
Dans le même temps, certains leaders de la droite la plus radicale, lancés dans une surenchère emplie de démagogie, voudraient encore nous faire croire que notre système pénitentiaire serait en mesure d'accueillir des milliers de personnes que nous enfermerions de manière préventive? Au-delà du grave problème de principe, cette piste de réflexion se révèle aussi inapplicable que dangereuse. Face à ces postures démagogiques, les Français ne sont pas dupes! 79% des personnes interrogées par l'Ifop le mois dernier dans le cadre de l'enquête de la Fondation Jean-Jaurès "Les Français et la prison", considèrent que la surpopulation carcérale est la principale raison des difficultés actuelles des prisons.
La prison doit permettre de préparer les détenus à retrouver une place au sein de la société
La peine de prison est un élément central de notre politique pénale mais ne nous trompons pas sur sa finalité : elle existe bien pour sanctionner une faute, pas une existence. Aussi doit-elle avoir un effet dissuasif et assurer l'éloignement des personnes dangereuses pour la société, mais également permettre aux détenus de prendre conscience de leurs actes et les préparer à retrouver une place au sein de la société afin de prévenir la récidive. Avec 40% de détenus condamnés à une nouvelle peine de prison ferme dans les 5 ans suivant leur libération, force est de constater que nous avons échoué, en faisant de la prison "la meilleure école de la criminalité".
Ces mots n'émanent pas d'un grand criminologue mais du tristement célèbre Amedy Coulibaly qui a pour point commun avec Mohamed Merah, Chérif Kouachi, Karim Cheurfi, Adel Kermiche ou Radouane Lakdim, d'avoir été condamné à des peines de prison ferme pour des délits dits "mineurs" avant de basculer dans la folie criminelle terroriste. Ceci doit également nous amener à nous interroger sur un phénomène plus récent et excessivement préoccupant, celui de la radicalisation en prison. Alors le statu quo est-il seulement imaginable? Certainement pas!
Favoriser les alternatives à la prison
Les annonces faites par le président de la République le 6 mars dernier prennent ici tout leur sens. Devant l'Ecole nationale d'administration pénitentiaire (Enap), Emmanuel Macron a en effet rappelé qu'il était essentiel de pouvoir favoriser les alternatives à la prison (travail d'intérêt général, sursis avec mise à l'épreuve ou contrainte pénale, etc.) et à l'incarcération (placement sous surveillance électronique, placement à l'extérieur, etc.) plus utiles, plus efficaces et moins coûteuses.
Ces annonces s'inscrivent dans le prolongement des engagements du Gouvernement. En janvier dernier, la garde des Sceaux avait en effet réaffirmé son soutien à l'administration pénitentiaire en mettant sur la table des propositions concrètes et significatives pour garantir la sécurité des personnels et mieux reconnaître la difficulté et les spécificités du métier de surveillant pénitentiaire. Pour nos détenus, le 1er jour de détention doit être le 1er jour vers la réinsertion! Les Français l'ont bien compris, car si 50% des personnes interrogées par l'Ifop estiment que les détenus sont "trop bien traités", 72% des sondés sont en même temps favorables au renforcement des programmes de réinsertion des détenus.
En élargissant notre éventail de sanctions et en transformant nos prisons, nous rendrons notre politique pénale plus efficace
Pour ce faire, inspirons-nous des solutions figurant dans le précieux rapport "repenser la prison pour mieux réinsérer", rendu le mois dernier par mes collègues Philippe Gosselin, Stéphane Mazars, Laurence Vichnievsky et Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des Lois, particulièrement engagée sur le sujet. Le processus vers la réinsertion ne pourra se faire que par le maintien des liens avec la famille, la pratique du sport, l'accès à la culture, et surtout à l'éducation. Accentuons nos efforts pour faire entrer toujours un peu plus l'école dans les prisons afin que la magnifique citation de Victor Hugo "ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons" prenne tout son sens, y compris pour les détenus. Cela est primordial, surtout lorsque 49% des détenus déclarent être sans diplôme à leur entrée en détention et que seulement 2,8% ont suivi des études supérieures.
Nous devons donc faire preuve d'audace pour transformer en profondeur nos prisons et redonner aux peines sens et efficacité. Car aujourd'hui, de trop nombreuses peines prononcées ne sont pas exécutées, principalement pour des considérations logistiques. Et comme le disait à juste titre Cesare Beccaria : "L'un des plus grands freins opposés aux délits, c'est non pas la rigueur des peines mais l'infaillibilité de celles-ci". En élargissant notre éventail de sanctions et en transformant nos prisons, nous rendrons notre politique pénale plus efficace. La tâche qui nous attend est immense, mais nous n'avons d'autres choix que de faire preuve d'audace!"
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