Hubert Moreau vient de succéder à Valérie Decroix au poste de directeur interrégional des services pénitentiaires (DISP) du Grand Est.
Grogne des surveillants, surpopulation carcérale, construction de nouvelles prisons en Alsace, l’ancien directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis passe en revue les sujets brûlants.
– En début d’année, les surveillants ont bloqué les prisons pendant plusieurs jours, notamment en Alsace, pour dénoncer des conditions de travail de plus en plus difficiles. Quel message avez-vous à leur apporter ?
« Depuis quarante ans que j’exerce au sein de l’administration pénitentiaire, il y a toujours eu des crises d’identité professionnelle. Le profil des délinquants a beaucoup évolué au fil des années. L’émergence de la toxicomanie et des conduites addictives a bouleversé la donne. Le terrorisme a été un élément supplémentaire, avec toute la problématique du prosélytisme religieux. Fin 2014, il y avait 130 détenus identifiés comme des radicaux islamistes ou condamnés pour terrorisme en France. Ils sont plus de 500 aujourd’hui. Il est normal que les agents perdent un peu leurs repères, d’autant qu’on leur demande à la fois d’être plus polyvalents et d’être des spécialistes. »
– Comment répondre à ce mal-être ?
« En remettant la gestion de l’humain au cœur. J’ai été directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis [ le plus grand établissement pénitentiaire d’Europe, avec 4 500 détenus ] de 2012 à 2015. La principale richesse de cet établissement, qui n’est pas une grosse machine inhumaine, réside dans la mixité de ses agents : beaucoup de surveillants “historiques” et chaque année cent jeunes stagiaires sortis d’école. Mon objectif est de rétablir la confiance, comme j’ai pu l’indiquer aux représentants syndicaux que j’ai rencontrés. Je veux valoriser les bonnes pratiques professionnelles. Mais parallèlement, dès lors que des personnels déborderont du cadre professionnel, je n’hésiterai pas à les sanctionner. »
– Et les agressions dont sont victimes les surveillants ?
« La lutte contre les violences, contre toutes formes de violence y compris entre détenus, sera ma priorité. Dans les établissements des Antilles et de Guyane [ Hubert Moreau était jusque-là DISP d’Outre-mer ], j’ai connu des phénomènes de violence très importants, avec des morts de détenus. C’est inacceptable. Tout comme sont inacceptables les actes de violence envers les agents, qui doivent entraîner une sanction disciplinaire et donner lieu à des poursuites judiciaires. Sur ce point, je crois beaucoup au développement des régimes de détention différenciés. »
– C’est-à-dire ?
« Je souhaite mettre en place des modules de respect qui s’inspirent des modules “respecto” généralisés en Espagne, avec comme fil conducteur la responsabilisation. Les détenus signent une charte d’engagement basée sur le respect des personnels, des codétenus, de l’hygiène, des règles de vie en collectivité. En contrepartie, ils bénéficient d’une certaine liberté de mouvement et d’un accès plus grand à des activités. Ces modules de respect sont encadrés par des personnels dédiés. J’envisage de lancer l’expérimentation au centre de détention d’Oermingen. »
– Le paysage pénitentiaire alsacien s’apprête à connaître des bouleversements, en particulier avec la construction de la maison d’arrêt de Lutterbach…
« Les travaux vont commencer à la fin du mois, pour une livraison prévue fin 2020. Mais il faudra prévoir de nouveaux établissements pénitentiaires puisque la fermeture programmée des maisons d’arrêt de Colmar et Mulhouse va immédiatement saturer le site de Lutterbach [d’une capacité de 520 places]. Deux quartiers de préparation à la sortie (QPS), des établissements de 100 à 120 places, devraient rapidement voir le jour, probablement à Strasbourg et à Colmar. Les lieux d’implantation devront être proposés d’ici la fin de l’année. »
« Un espace foncier disponible à Illkirch »
– Qu’en est-il du projet d’installer une seconde maison d’arrêt à Strasbourg ?
« Pour des raisons d’activité judiciaire, nous avons besoin d’environ 500 places supplémentaires [ d’une capacité de 445 places, la prison située à l’Elsau, en surpopulation chronique, accueille actuellement 683 détenus ]...
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