La garde des Sceaux a rappelé à l'ordre le moteur de recherche, qui tarde à flouter les photos de prisons sensibles.
C'est la très spectaculaire évasion de Rédoine Faïd, le 1er juillet, qui a déclenché le bras de fer.
La Chancellerie s'est aperçue que le centre pénitentiaire du Sud-Francilien à Réau (Seine-et-Marne), d'où le célèbre braqueur s'est envolé en hélicoptère, n'était pas flouté sur les prises de vue aériennes accessibles sur Google Maps ou Google Earth. De là à imaginer que ces images aient été utiles au commando armé déposé par la voie des airs dans la cour d'honneur de la prison, il n'y a qu'un pas.
Liens commerciaux:
Le 31 juillet, la ministre de la Justice écrit donc au directeur général de Google France afin qu'il respecte la liste des "zones sensibles" établie par arrêté interministériel, essentiellement des sites de la Défense et des établissements pénitentiaires. Selon nos informations, Nicole Belloubet lui demande de bien vouloir prendre les dispositions techniques nécessaires pour garantir le retrait ou le floutage des vues aériennes sur Google Earth et Google Maps.
Google se défausse sur ses fournisseurs
La réponse officielle de Google France, adressée le 14 août à la garde des Sceaux, est aussi alambiquée qu'embarrassée. En soulignant que Google Earth et Google Maps diffusent des images achetées à trois prestataires - DigitalGlobe, IGN et Airbus -, le moteur de recherche américain cherche à atténuer sa responsabilité. Il affirme travailler actuellement avec ses fournisseurs pour s'assurer que les données en question font l'objet d'un floutage.
Or, manifestement, ces consignes ont dû être transmises par un pigeon voyageur ayant perdu son chemin... Le 19 septembre, alors que Nicole Belloubet est auditionnée par la Commission des lois de l'Assemblée nationale sur l'évasion de Rédoine Faïd, un parlementaire lui demande s'il est normal que les établissements pénitentiaires ne soient pas floutés. La Garde des Sceaux répond qu'elle a écrit à Google afin d'obtenir le floutage.
49 prisons non floutées
Le dernier arrêté en vigueur, celui du 27 octobre 2017, interdit la prise de vue aérienne de 67 prisons, soit 30 de plus que le précédent arrêté du 27 janvier 2017. Pour chacun de ces établissements dits "à fort niveau de sécurité", L'Express a effectué la vérification: le 23 septembre, 49 prisons n'étaient toujours pas floutées sur Google Maps, y compris celle de Réau. On peut ainsi visualiser de manière détaillée des maisons centrales où se trouvent des détenus pour de longues peines, par exemple celles d'Arles (Bouches-du-Rhône), d'Ensisheim (Haut-Rhin) ou de Poissy (Yvelines).
"Nous agrégeons des images qui proviennent de divers fournisseurs extérieurs, publics ou privés, répond un porte-parole de Google France à L'Express. Ces fournisseurs sont évidemment tenus de respecter la législation des pays où ils opèrent et de nous transmettre des images déjà floutées." Quelle pression exerce Google sur ces fournisseurs ? Sans doute aucune. Dans quel délai les fournisseurs de Google vont-ils flouter les images aériennes des prisons en application de la réglementation française ? "Cela prendra du temps", répond-on, sans autre précision.
Devant cette inertie visible de Google, la Chancellerie a pour seules armes la vigilance et l'opiniâtreté. Les arrêtés interministériels sont en effet peu contraignants, puisqu'aucune sanction n'est prévue pour les contrevenants...
Lire la suite sur l'Express
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire