La ministre de la Justice, Nicole Belloubet, défend actuellement son projet loi justice, dont un important volet est consacré aux prisons.
Confirmée dans ses fonctions, la garde des Sceaux nous a accordé ce mardi sa première interview post-remaniement. Juste avant de se rendre au Sénat et à l’Assemblée nationale pour y défendre son « plan prison ». A la clé : plus de places et un parc immobilier renouvelé.
Vous dévoilez l’implantation des 15 000 nouvelles places de prison et la construction de nouvelles prisons. Comment en êtes-vous arrivée à cette cartographie ?
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NICOLE BELLOUBET. Le président de la République s’était engagé à construire 15 000 places supplémentaires. C’est ce que nous allons faire. Elles sont comptabilisées à partir du nombre existant à notre arrivée, soit 60 000, qui passeront donc à 75 000. Nous en livrerons 7 000 d’ici 2022, et nous lancerons le chantier de 8 000 autres, qui seront livrées d’ici 2027. Le temps de construction d’un établissement pénitentiaire est par définition un temps long. Il faut trouver le terrain, engager une phase de concertation qui n’est pas toujours aisée. Vient ensuite un important travail d’études.
Comment avez-vous tranché ?
Ce plan est d’abord lié à une nouvelle politique des peines. Quand une peine est prononcée, elle doit être exécutée. Il pouvait y avoir jusqu’à aujourd’hui des gens condamnés à deux ans de prison, mais qui finalement ne mettent parfois jamais un pied en détention. A l’inverse, de courtes peines d’emprisonnement sont prononcées alors qu’elles sont désocialisantes. Bien sûr, ce sont les magistrats qui décident in fine, mais nous avons acté qu’au-dessus d’un an, l’incarcération soit réellement effective. Dans le même temps, nous supprimons les peines de prison en dessous d’un mois, et nous privilégions des peines autonomes et les alternatives - comme les travaux d’intérêts généraux ou le bracelet électronique - pour les peines d’un à six mois. D’après nos études d’impact, cela fera baisser de 8 000 le nombre de détenus. Partant de là, nous avons réalisé des projections de population pénale en anticipant où elle risquait d’être la plus nombreuse.
Certains élus en sont déçus, d’autres refusent cette implantation. Comment les satisfaire ?
Nous souhaitons avoir une gamme différenciée d’établissements pour accueillir les détenus. Cela impacte l’implantation. Quand nous créons une structure d’accompagnement vers la sortie, elle doit être en contact avec des services publics. 2 500 places de ce type sont ainsi programmées. Je ne peux pas les mettre au milieu des champs sans aucune facilité d’accès à ces services. En revanche, un centre de détention pour longue peine peut être un peu plus excentré. Je respecte par ailleurs les appréhensions de ceux qui s’y opposent. Mais avoir un parc pénitentiaire adapté dans tout le pays, c’est une responsabilité collective.
L’idée, c’est aussi d’adapter le niveau de sécurité au profil des détenus ?
C’est le cas. La gamme d’établissements pénitentiaires doit être aussi complète que possible. Et ce afin que les lieux de détention soient adaptés à la personnalité du condamné, à la nature de la peine, à la capacité de réinsertion, au stade où en est la personne dans son parcours de peine. Notre idée, c’est de ne pas avoir un modèle uniforme de prison. Nous souhaitons développer les régimes dits « de confiance », où certains détenus sélectionnés ont une relative liberté à l’intérieur de leur aile de détention, qui peut être instaurée à côté d’autres ailes au régime classique, plus sécurisées.
Comment faire pour que la prison permette de lutter contre la récidive ?
Cette lutte, c’est notre obsession. Cela passe par plus de travail en prison. Prenez Oermingen, en Alsace. On est dans un petit village, mais facile d’accès. Le taux de chômage du bassin d’emploi est faible. Les entreprises proposent du travail au sein de l’établissement, et 60 % des détenus y ont une activité professionnelle. C’est beaucoup plus qu’ailleurs. En la matière, j’entends lancer une expérimentation, avec deux ou trois établissements où le travail sera au cœur de la construction du projet. Les entreprises investiront dans la formation des détenus. Elles pourront embaucher à terme les personnes qu’elles auront formées.
Restent des points noirs…
Nous avons un souci concernant la prise en charge des détenus souffrant de pathologies psychiques. Nous n’avons pas suffisamment d’unités dédiées. Mais en construire ne suffit pas. Car il faut des médecins spécialisés, et ils sont trop peu nombreux...
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