La proposition de loi de lutte contre la prostitution, portée par les députées socialistes Maud Olivier (Essonne) et Catherine Coutelle (Vienne), a reçu le soutien du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, mardi 1er octobre, mais sans une disposition emblématique, la prison pour les clients récidivistes.
Le texte, dont le premier signataire sera le président du groupe socialiste, Bruno Le Roux, prévoit la création d'une infraction, sanctionnée d'une contravention de 5e classe (1 500 euros au plus), qui serait doublée en cas de récidive. Les clients seraient également contraints de suivre des stages de sensibilisation (sur le modèle des stages sur la sécurité routière ou l'usage de stupéfiants), dans l'objectif de "faire réfléchir les acheteurs sur les conséquences de leurs actes", selon les termes de Mme Olivier.
La députée qui travaille depuis plusieurs mois sur ce texte, souhaitait que la récidive soit un délit puni de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende. " nous paraît poser l'interdit social de l'acte d'achat du corps humain qu'est le recours à la prostitution, tout en intégrant l'échelle des peines prévue dans le code pénal pour les atteintes aux personnes", écrivait-elle dans un rapport publié mardi 17 septembre. La seule contravention "ne place pas l'achat d'acte sexuel au niveau des conséquences constatées pour les victimes. (...) Elle ne tient donc pas compte de la gravité de l'acte", écrivait-elle. C'est pourtant à cette option que la députée s'est ralliée, sous la contrainte du gouvernement et du groupe socialiste.
"NOUS VOULONS ÊTRE DANS LA PÉDAGOGIE"
"Le mot prison faisait peur", réagit-elle, tout en se disant tout de même "satisfaite d'avoir convaincu le groupe" de soutenir le principe de sanctions pour les clients. "Nous voulons être dans la pédagogie, ce qui n'implique pas forcément qu'on soit très répressif", poursuit-elle.
Du côté du gouvernement, plusieurs arguments sont mis en avant pour écarter la prison : des peines trop lourdes risqueraient de ne pas être appliquées, et, conformément à la réforme pénale prévue, l'enfermement n'est pas le meilleur moyen de lutte contre la récidive. Il y a aussi des raisons politiques : après le mariage pour tous, gouvernement et majorité ne veulent pas polariser l'opinion sur un nouveau sujet de société, et préfèrent mettre en avant les sujets économiques et sociaux, priorités des Français.
La ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, qui avait lancé le débat sur la prostitution en déclarant en juin 2012 vouloir "l'abolir", parle d'ailleurs de "responsabilisation" et non de "pénalisation" des clients.
AGGRAVATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL DES PROSTITUÉES
Ce compromis ne devrait faire que des mécontents. D'un côté, les associations féministes et abolitionnistes qui soutiennent une répression sévère. De l'autre, les représentants des prostituées et associations de prévention qui dénoncent toute sanction des clients, au motif qu'elles risqueraient d'aggraver les conditions de travail des prostituées.
D'autres points de la proposition, qui sera examinée par une commission spéciale à l'Assemblée nationale avant son inscription à l'ordre du jour, doivent encore être débattus. Parmi eux, le parcours de sortie de la prostitution, et les conditions dans lesquelles des titres de séjour seraient accordés aux prostituées qui souhaitent arrêter leur activité (aujourd'hui, seules celles qui dénoncent leur proxénète y ont droit).
Dans la rue, 90 % des prostituées sont étrangères, essentiellement Nigérianes et Roumaines. Les modalités d'intervention auprès des fournisseurs d'accès pour empêcher la diffusion d'annonces d'"escorts" sont également en discussion.
Enfin, la suppression du délit de racolage fait débat au sein du gouvernement. Alors que le ministère de la justice souhaite son abrogation totale, le ministère de l'intérieur préférerait maintenir une infraction de racolage actif (comme avant la loi sur la sécurité intérieure de 2003, qui avait créé le délit de racolage passif).
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