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jeudi 5 décembre 2013

Surveillants de prison, les raisons d’un malaise

Mercredi 4 décembre, un surveillant de la prison de Fresnes, près de Paris, s’est fait taillader le visage par un détenu connu pour être particulièrement violent.
 
Un surveillant à la prison de Fresnes.
 
L’homme, en attente de jugement pour viol en réunion, homicide et destruction, n’avait rien à faire à la prison de Fresnes. C’est en tout cas l’avis d’Emmanuel Febvre, surveillant affilié à l’Ufap-Unsa pénitentiaire. « Il y a urgence à mieux prendre en charge les détenus avec un profil psychiatrique violent, complexe, car nous sommes pas formés pour le faire. »

Selon son estimation, 15 % environ des 2 400 détenus de la prison nécessiteraient ainsi un suivi hors de la détention. « Si on les laisse en prison, des drames comme celui d’hier se reproduiront. »

15 % de détenus avec des troubles psychiatriques

 Pour ces détenus aux profils pathologiques dangereux, Fresnes vient d’ouvrir une unité hospitalière spécialement aménagée (UHSA), mais celle-ci ne dispose que de 60 lits. En attente de jugement, le détenu agresseur, lui, venait de passer sept mois dans un autre type de structures spécialisées, hors de la prison : une unité pour malade difficile (UMD), à l’hôpital. « Il est revenu en cellule parce que ça coûte moins cher de le garder à Fresnes et parce qu’il avait l’air d’aller ‘à peu près’mieux. Mais ça n’est pas suffisant. On parle d’un détenu qui a déjà commis plusieurs agressions et a tenté de se suicider trois fois en incendiant sa cellule. »
Comme beaucoup de surveillants, il évoque aussi les problèmes posés par l’article 57 de la loi pénitentiaire de 2009 qui a supprimé les fouilles systématiques et permet donc plus facilement aux détenus de faire entrer des objets dangereux.

Violence quotidienne

Bien sûr, des agressions d’une telle violence, avec arme, restent relativement rares, de l’ordre de quelques-unes par an dans toute la France. Mais c’est assez, néanmoins, pour mettre les surveillants sous pression. « À Meaux, il y a quelques semaines, on a eu une série de quatre agressions lourdes en quinze jours, notamment une surveillante qui s’est pris un coup de ciseau qui lui a transpercé la main, raconte un délégué syndical de la CGT pénitentiaire. De tels faits, c’est traumatisant pour toute l’équipe. »
Au quotidien, les surveillants doivent aussi affronter les insultes, les bousculades, les coups de poing. Depuis l’été, l’Ufap de Fresnes a ainsi constitué 22 dossiers de plaintes pour agressions avec son avocate.

Manque d’effectifs

« En moyenne, nous avons un surveillant pour 100 détenus, explique encore Emmanuel Febvre. À chaque entrée, sortie, visite d’avocats, parloir, douche, cantine, il y a un risque d’altercation. Parfois, cela part de rien, d’une lettre déplaisante envoyée par un proche ou d’une annulation de visite. Avec les conditions de détention et la surpopulation carcérale, tout est prétexte à conflit. »
Une situation qui génère, en outre, de l’absentéisme et aggrave donc le manque chronique d’effectifs. À Fresnes, par rapport au nombre de surveillants originellement prévu, entre 60 et 80 postes sur 800 sont actuellement vacants. L’administration pénitentiaire rencontre un double problème de recrutement (manque de candidats) et de moyens (financement des postes). « Les Français veulent des prisons mais on n’y met pas les moyens, déplore ainsi Emmanuel Febvre. On aurait pourtant besoin de plus de personnels et de construire des établissements à taille humaine ou spécialisés dans la prise en charge des détenus difficiles. »

Mal-être au travail

Ces sous-effectifs chroniques et les difficultés qui en découlent sont bien connus de l’administration pénitentiaire. En 2011, elle a même commandé une étude à l’Inserm, pour évaluer la situation. Celle-ci révélait que le taux de suicide chez les surveillants était supérieur de 31 % à la moyenne nationale et de 15 % à la moyenne chez les policiers.
Le manque de soutien et de permanences psychologiques pour les surveillants était ainsi pointé. Des groupes de travail ont été installés par l’administration sur ces thématiques de souffrance au travail, mais un délégué syndical parle de « poudre aux yeux » : malgré les fréquentes mobilisations, rien ne change vraiment sur le terrain.
La Croix

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