L’Américain Damien Echols a passé deux décennies en prison pour l’affaire dite des « West Memphis Three » qui a longtemps tenu en haleine l’Amérique. La mobilisation des stars l’a sauvé.
Comment vivez-vous depuis votre libération en 2011 ?« J’ai vécu durant vingt ans dans une boîte. D’un seul coup, je suis propulsé dans le vrai monde. Je dois m’adapter chaque seconde à cette nouvelle vie. Je n’ai pas eu d’ordinateur depuis 1986, je n’ai jamais eu de téléphone mobile. Pour m’en sortir, il faut que j’affronte ces choses qui m’effraient… Et j’ai beau vous parler à Paris, pour le système judiciaire américain, je reste coupable. »
Votre affaire correspond à une époque particulière, aux États-Unis, où une certaine peur du satanisme amenait à des extrémités, non ?« Une grande partie des USA, dont l’Arkansas, est décrite comme the Bible belt (la ceinture de la Bible) , avec un nombre important de fondamentalistes chrétiens de la droite dure. Tout ce qui est hors de leurs idées est suspect. Ils m’ont vu me balader en ville, habillé tout en noir, avec de longs cheveux, écouter du heavy metal. En 1993, cette musique était considérée comme “dangereuse”. Lors de notre procès, l’accusation a mentionné qu’on portait des tee-shirts de Metallica, qu’on avait des albums de Megadeth, des posters de Slayer. C’était une preuve supplémentaire qu’on était coupable. On a appelé aux USA cette période “Satanic panic”, elle a infiltré les médias, le gouvernement, ça a pris des proportions folles et conduit des gens en prison… »
La justice de votre pays serait guidée, d’après vous, par la politique et l’argent.« Dans la majorité des pays, les juges sont indépendants. Aux USA, les juges, les procureurs, les attorneys sont surtout des politiciens. Leur premier intérêt : assurer leur réélection. Dans mon cas précis, ils ont voulu montrer qu’ils pouvaient conduire quelqu’un jusqu’à la peine de mort ! La corruption aussi est très présente. Des liens étroits existent entre ces politiciens et le pouvoir de l’argent. Les prisons sont privatisées, c’est un énorme business. »
Comment vivez-vous le fait de passer du statut de prisonnier à celui de quasi rock-star aujourd’hui ?« Les gens connus le sont pour leur art, leur talent. Nous, on l’est non pas par ce qu’on a fait, mais par la tragédie que nous avons traversée. C’est pourquoi je ne ressens pas cet aspect de la célébrité. Je me sens plutôt comme une sorte de monstre, comme ceux, physiquement déformés, que l’on exhibait autrefois dans les cirques. »
Pourquoi des stars comme Johnny Depp ou Marylin Manson vous ont-elles soutenues ?« Avant d’être acteur, Johnny vivait dans une ville pauvre du Sud, Eddie a travaillé lui dans une station-service. Marylin Manson a toujours été un peu en marge de la société. Ils ont réalisé que ça aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre eux. Ce n’était pas seulement me soutenir, mais travailler sur le regard que la société porte encore, malheureusement, sur des gens différents. »
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