Les prisonniers français ne votent presque pas. Et pour cause : ils n'y sont pas vraiment encouragés...
Les prisons françaises détiennent un triste record : celui du taux d'abstention. Seuls 544 détenus ont voté lors des dernières élections municipales en mars 2008. Lors du second tour de l'élection présidentielle, ils n'étaient que 1 980 à avoir participé au scrutin, soit 4 % de la population carcérale. Peu de Français le savent, mais depuis 1994 une condamnation n'entraîne plus automatiquement la perte des droits civiques. Pour 50 000 prisonniers en droit de voter, seuls 1 609 en sont privés.
"Les détenus eux-mêmes ne connaissent pas leurs droits. Ils sont convaincus que leur condamnation entraîne la perte de leurs droits civiques", explique François Korber, délégué général des Robins des lois, une association qui défend les prisonniers. Comme tous les électeurs, les détenus avaient jusqu'au 31 décembre pour s'inscrire sur les listes électorales. Mais voter en prison relève du chemin de croix tant les démarches sont "horriblement compliquées : le détenu doit d'abord réclamer sa carte d'identité au service des fouilles. Il s'inscrit ensuite dans sa commune de résidence ou dans celle de son établissement pénitentiaire", poursuit-il. Reste le plus difficile, trouver un proche qui accepte de glisser le bulletin dans l'urne le jour J. Encore plus rare à obtenir, une dernière solution s'offre au prisonnier : l'autorisation de sortie. Le 6 mai 2012, lors du second tour de la présidentielle, seuls 352 prisonniers en avaient bénéficié. Pas simple.
Des prisonniers exclus de la société ?
"Tout est fait pour permettre aux prisonniers de voter", rétorque Jean-François Forget, secrétaire général de l'Ufap-Unsa, premier syndicat de l'organisation pénitentiaire. Contacté par Le Point.fr, il souligne que "de nombreuses réunions d'information sont organisées et que des affiches sont placardées pour informer les détenus". À l'en croire, la forte abstention s'explique "par la situation de désocialisation des prisonniers", et non pas par les difficultés que ces derniers peuvent rencontrer.À la prison de Metz-Queuleu, un clip a été réalisé en interne pour inciter les détenus à prendre part aux élections. "Ils se sentent exclus de la société alors qu'ils restent simplement privés de liberté et qu'ils vont retourner dans cette société", analyse Elizabeth Dileo, la directrice de la maison d'arrêt, au micro de France Bleu. Malgré la campagne d'information renforcée, à moins d'une semaine des élections municipales, aucun des 600 détenus n'a fait les démarches nécessaires pour voter les 23 et 30 mars.
Des urnes dans les prisons
Lassés par l'inefficacité de la situation actuelle, les Robins des lois se sont lancés dans une nouvelle bataille : la création de bureaux de vote au coeur même des prisons. "Cela n'a rien de compliqué", affirme François Korber, s'appuyant sur l'exemple de l'Australie où des isoloirs mobiles sont installés dans les centres pénitentiaires. En Europe : l'Irlande, l'Albanie, la Lettonie ou encore la Serbie permettent à leurs prisonniers de prendre part aux élections. Devant le retard accumulé par la France, François Korber ne mâche pas ses mots : "Il faut être radical."Pour ce faire, il a déposé le 17 janvier 2014 un recours administratif préalable (Rap) auprès de Manuel Valls et de Christiane Taubira, au nom du principe d'égalité. Aidé par Martine Herzog-Evans, une spécialiste du droit pénal, François Korber réclame une modification de l'article R40 du Code électoral. Au final, rien de bien compliqué : "Nous souhaitons qu'en arrivant dans un lieu de détention, le détenu soit automatiquement inscrit sur les listes électorales de la commune où se situe la prison." Au lendemain des élections municipales, les Robins des lois comptent bien se lancer dans un tour de France. Le but ? Que les hommes politiques s'intéressent à ces citoyens trop souvent mis au ban de la société et se battent pour l'égalité de leurs droits.
Le Point
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