« La prison est-elle un lieu où l'on se préoccupe de l'avenir des gens que l'on y envoie, ou est-elle un simple garde-meuble pour six mois ou vingt ans ?
Je crains, hélas, que la deuxième hypothèse soit la plus réaliste... »La citation est terrible, elle est de Jean-Marie Delarue. Le contrôleur général des lieux de privation de liberté vient de rendre public son nouveau rapport. Il fâche, il accable, il inquiète pour l'avenir.
Rien de neuf derrière les hauts murs, somme toute ? Si, la crise, toujours elle. Se moquant des lourdes portes et des trousseaux chargés, elle a franchi les barreaux. Les budgets sont à l'économie, le personnel souffre, les conditions de travail et de détention se détériorent encore.
Déjà condamnée par la Cour de justice européenne, la France traîne des pieds. Elle tire comme un boulet ces images choquantes de la prison des Beaumettes qui feraient passer la cellule d'Edmond Dantès au château d'If pour un lieu de villégiature. Elle s'empêtre dans ces taux de surpopulation qui flirtent avec les 140 %, elle ferme les yeux quand on tasse quatre hommes dans 10 m2.
« Je ne suis pas pour la prison quatre étoiles », souligne Jean-Marie Delarue, mais lui, comme d'autres, rappelle juste que la dignité humaine doit être respectée. Depuis les crasseuses cellules de garde à vue à celles parfois ignobles des maisons d'arrêt, l'État a trop souvent franchi les limites de l'acceptable. Et ses condamnations lui coûtent cher...
Dans ces conditions, l'espoir de réinsérer les détenus n'est plus qu'un bruit de couloir. Pour les courtes peines, le taux de sortie sèche, sans le moindre encadrement, accompagnement est de 98% ! Pas de travail, parfois pas de logement, la galère empreinte alors souvent la voie facile de la récidive. Et du retour à la case prison.
Une réforme nécessaire
Alors, que faire quand l'heure est à l'économie budgétaire ? D'abord réfléchir collectivement, posément, loin de l'agitation médiatico-politique engendrée par le premier fait divers marquant. La société ne peut se permettre de garder à l'ombre cet épineux dossier, de raser tête basse les hauts murs, laissant s'y dépêtrer une administration déjà bien fragilisée. Ce qui se passe en prison nous concerne tous pour la simple raison que ceux qu'on y place sont amenés à en sortir.Le débat houleux engendré par la réforme pénale souhaitée par Christiane Taubira est assez évocateur du mal français. Voilà un texte qui, avant même d'avoir été présenté en Conseil des ministres, a été taxé par ses opposants de laxisme absolu et jugé inefficace dans un sondage par des citoyens qui ne l'avaient pas encore lu. Son examen par les députés a été repoussé au-delà des municipales.
Que prévoit-il ? Il prône l'individualisation de la peine et supprime les décisions automatiques, qu'il s'agisse des peines plancher ou de la révocation systématique du sursis après un nouveau délit. Il crée la contrainte pénale : une peine en milieu ouvert et sous contrôle strict, pour des délits qui n'encourent pas plus de cinq ans de prison. Il envoie moins en prison, mais surveille et accompagne davantage les délinquants.
La piste des peines alternatives doit être explorée. Cela passe par un débat politique serein, difficile à imaginer en ce moment. Et par une réflexion citoyenne sur la punition des délits mineurs dans notre société.
Ouest-france
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