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vendredi 6 juin 2014

Les barreaux, creuset du djihad ?

Islamisme radical - C’est en prison que Mohamed Merah et Mehdi Nemmouche se sont tournés vers un islam pur et dur. Responsable Grand Est d’un syndicat de surveillants, Eric Gemmerlé assure que tous les établissements sont touchés
Eric Gemmerlé : « Tous les surveillants sont voués à informer cette cellule de renseignement, c’est une toile d’araignée que nous essayons de tisser, mais force est de reconnaître que nous rencontrons de gros problèmes d’effectif ».  Photo ER
Eric Gemmerlé : « Tous les surveillants sont voués à informer cette cellule de renseignement, c’est une toile d’araignée que nous essayons de tisser, mais force est de reconnaître que nous rencontrons de gros problèmes d’effectif »
C’est derrière les barreaux, quand il a été incarcéré entre décembre 2007 et décembre 2012, que Mehdi Nemmouche, l’auteur présumé de la tuerie qui a fait quatre victimes au Musée juif de Bruxelles, le 24 mai dernier, s’est radicalisé. La prison, pour certains, est devenue le creuset du prosélytisme islamique. Le phénomène, qui n’est pas nouveau et n’est pas réservé à quelques maisons d’arrêt, a même incité l’administration pénitentiaire à créer, dans les années 80, un service de renseignement qui s’est davantage structuré à partir de 2003.
 
Cette cellule, baptisée EMS-3 et composée d’une douzaine de fonctionnaires, possède un correspondant dans chacun des 200 établissements du territoire et dans chacune des directions interrégionales. L’EMS-3 suit particulièrement 810 prisonniers dont 250 en lien avec le terrorisme. 70 à 80 détenus sont surveillés pour des comportements en lien avec la mouvance islamiste radicale.
« Tous les surveillants sont voués à informer cette cellule, c’est une toile d’araignée que nous essayons de tisser, mais force est de reconnaître que nous rencontrons de gros problèmes d’effectif », explique Eric Gemmerlé, secrétaire général UFAP-UNSA Justice du Grand Est (Lorraine, Alsace et Franche-Comté, 22 établissements). « Nous manquons déjà de personnels pour assurer notre mission de surveillance quotidienne, pour limiter les trafics, les rackets, alors comment pourrions-nous en plus participer à ces formations ? ».

Seuls 10 % des surveillants seraient formés pour détecter les mouvements de repli identitaires. « C’est clair : pour attraper ces détenus radicaux, notre filet est de plus en plus petit… ».

« Jojo la Musette, c’est fini… »

Les islamistes, qui affichent de façon ostentatoire leur radicalité, sont bien évidemment les plus faciles à repérer. « Ils appellent à la prière collective, commencent à porter la djellaba, se laissent pousser la barbe ou encore ne parlent qu’en arabe. Leur radicalisation se voit également au travers du contenu de leurs courriers ou de leurs conversations téléphoniques. En fait, les plus dangereux sont surtout ceux qui ne sont pas ‘’ déclarés ‘’ et qui peuvent devenir de véritables gourous ».

Les détenus visés ? Ceux qui arrivent ou sont isolés. Ces derniers manquent de moyens, de ressources, et sont en situation de faiblesse. « On leur offre donc des petits cadeaux, on leur permet de cantiner davantage, d’avoir un petit bout de ‘’chichon‘’ (NDLR : du haschich). On fait rentrer le gars tout doucement dans le groupe. Après, soit il adhère de lui-même, soit on lui explique qu’il n’a plus le choix. On utilise alors la contrainte, la menace ».

Connaître avec précision le nombre de détenus actuellement signalés à Ecrouves (255 prisonniers) est mission impossible. « Rien ne doit transpirer sur les investigations. Quand on voit ce que ces gens sont capables de faire… Ce qui est certain, c’est que nous les signalons mais que nous n’avons ensuite aucun retour ».

L’islamisme radical a-t-il au final pris le pouvoir dans les prisons ? Eric Gemmerlé ne le pense pas. « Non, mais c’est certain qu’il n’y a quasiment plus de grand banditisme. Il n’y a plus de détenus qui s’appellent ‘’ Jojo la Musette’’… ».
Est Républicain

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