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vendredi 11 juillet 2014

Outre-mer - Il faut élargir les murs de nos prisons

Un rapport sur les prisons en Outre-mer, remis à George Pau-Langevin et Christiane Taubira, met en avant de nombreuses propositions, parmi lesquelles le projet d'extension-reconstruction de la maison d'arrêt de Basse-Terre et celui de l'extension du centre pénitentiaire de Baie-Mahault.
Pas moins de 43 propositions autour de sept thèmes - la politique pénale, la population carcérale, l'activité et l'insertion, la santé, le fonctionnement et l'immobilier pénitentiaire, la coopération régionale et la situation particulière des mineurs - composent le rapport sur les problématiques pénitentiaires en Outre-mer, remis aux ministres des Outremers, George Pau-Langevin, et de la Justice, Christiane Taubira, mercredi, par Laurent Ridel, le chef de la mission Outre-mer de la direction de l'administration pénitentiaire.
Ce rapport préconise d'accentuer la politique de rattrapage immobilier en Outremer sur le budget triennal 2015-2018. Des dispositifs qui concernent essentiellement les Antilles, la Guyane et le Pacifique et peu La Réunion, qui ne connaît pas de surpopulation carcérale.
Il s'agit, par exemple, d'accroître le parc pénitentiaire en Guadeloupe, en menant à bien le projet d'extension-reconstruction de la maison d'arrêt de Basse-Terre et celui de l'extension du centre pénitentiaire de Baie-Mahault, en y incluant un quartier pour mineurs.
Il s'agirait encore d'étudier la faisabilité d'une structure modeste en modulaires capable d'accueillir au moins les 90 ressortissants des Îles du Nord détenus en Guadeloupe, à l'exception des plus dangereux.
 
CONTRE LA VIOLENCE EN PRISON : UNE ÉQUIPE DE SÉCURITE
Pour parer aux situations de violence dans les établissements qui ne disposent pas, comme dans l'Hexagone, d'équipes régionales d'intervention et de sécurité, le rapport préconise la mise en place d'une équipe de sécurité par département. L'expérience conduite en Martinique en 2013, avec la création d'une équipe de sécurité à Ducos, a permis la saisie de 300 téléphones portables, 15 kilos de stupéfiants, 500 litres d'alcool, plusieurs couteaux et 1 000 euros en liquide. Concernant les personnels, il s'agit de décentraliser les formations des gardiens (tirs, techniques d'intervention, premiers secours, incendie, etc.) dans chacune des zones (Océan Indien, Antilles-Guyane et Pacifique).
Quant aux gardiens qui demandent une mutation Outre-mer, le rapport préconise un entretien préalable pour tous les candidats à la mutation non originaires du territoire demandé.
Enfin, concernant les postes d'encadrement, fort peu demandés comme en Guyane, le rapport préconise de les proposer aux sortants d'école avec un accompagnement dans la prise de fonction.
EN CHIFFRES
 
Population carcérale au 1er janvier 2014
 
- Maison d'arrêt de Basse-Terre : 197 détenus ; taux d'occupation : 151,5%.
- Centre pénitentiaire de Baie-Mahault : 701 détenus ; taux d'occupation : 139%.
 
CHACUN DANS « SA » PRISON
 
Le rapport remis par Laurent Ridel, le chef de la mission Outre-mer de la direction de l'administration pénitentiaire, insiste sur la coopération régionale, eu égard au fort taux de détenus étrangers dans les geôles d'Outre-mer. C'est le cas en Guyane avec le Brésil, le Suriname et le Guyana, en Martinique avec Sainte-Lucie, et en Guadeloupe avec La Dominique. Aucune convention ne lie ces pays à la France en matière de transferts.
Le rapport préconise que la négociation de conventions de transfert avec les pays voisins des Dom soit une priorité.
PRIVILÉGIER L'AMÉNAGEMENT DE PEINES
 
Pour prévenir la récidive, le service pénitentiaire d'insertion et de probation (Spip) mène une politique active pour l'aménagement des peines et l'alternative à la prison. Fin 2013, il y avait 239 postes pour des travaux d'intérêts généraux proposables au sein de 65 structures. Un record pour l'Outre-mer. « Depuis deux ans, selon Laurent Ridel, le nombre de bracelets électroniques a été multiplié par deux. » Le rapport estime qu'il serait utile de « protocoliser les modalités de mise en oeuvre de mesures d'aménagement de peine telles que la libération conditionnelle-expulsion » .
La réinsertion passe aussi par l'accès à la formation professionnelle des détenus et le développement du travail en prison. Faute d'implication du conseil régional, la formation est inexistante et l'offre actuelle de travail ne couvre que 50% des besoins.
Enfin, le rapport préconise l'amélioration de la couverture médicale dans chaque établissement. Un effort a été remarqué pour les soins psychiatriques avec l'ouverture, en décembre, de places au service médico-psychologique régional.
TROIS QUESTIONS À CHRISTIANE TAUBIRA, ministre de la Justice « Des décisions de construction d'extension et de rénovation »
Qu'est-ce qui caractérise les problématiques pénitentiaires en Outre-mer ?
 
La situation est catastrophique en Outre-mer. Nous avons des taux de surpopulation carcérale qui atteignent 300% et on a même, dans les centres de détention, c'est-à-dire les établissements pour peines, de la surpopulation carcérale, alors qu'on évite, dans l'Hexagone, d'avoir de la surpopulation pour les longues peines. Il y a une situation de surpopulation, de vétusté, de retard, etc. Le taux d'aménagement des peines est très faible, à peine 10%, soit moins de la moitié du taux national. Le taux d'illettrisme est plus élevé, l'offre d'activités dans les établissements est très faible. Enfin, il existe peu de coopération avec les ministères de la Santé, de l'Emploi, de l'Éducation nationale et du Logement, et nous avons une problématique particulière de coopération régionale avec les pays voisins.
Quelles mesures avez-vous prises depuis que vous êtes garde des Sceaux ?
J'ai pris des dispositions en matière de politique pénale dans quatre territoires, la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, la Martinique et la Guadeloupe, comme je l'ai fait pour des territoires de l'Hexagone. J'ai pris des mesures sur l'aménagement des peines en affectant des juges d'application des peines. J'ai renforcé les services pénitentiaires d'insertion et de probation qui assurent le suivi, notamment, en milieu ouvert. J'ai également pris des décisions concernant les établissements pour mineurs.
Où en êtes-vous en matière immobilière ?
 
J'ai rapidement pris des décisions de construction en Polynésie, d'extension et de rénovation à Mayotte, en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion. J'ai pris en compte également la situation de la santé mentale, en ouvrant notamment un service médico-psychologique régional (SMPR) en Guadeloupe, mais c'est une question qui concerne tous les autres territoires d'Outre-mer, et à laquelle nous allons devoir apporter une réponse.
 
Propos recueillis par F.-X.G.
Les parlementaires seront sollicités
 
Le rapport sur les problématiques pénitentiaires en Outre-mer est le fruit du groupe de travail installé par Christiane Taubira en octobre 2013 avec les services de la chancellerie, la direction générale des outre-mers et 11 parlementaires ultramarins. « Ce rapport sera mis en oeuvre, a précisé la garde des Sceaux, avec l'aide des parlementaires qui, dans tous les territoires, sont impliqués sur ces questions. » Certaines recommandations figurent déjà dans le projet de réforme pénale en discussion au Parlement.

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