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jeudi 11 septembre 2014

Nancy - « On les a obligés à se battre »

Plusieurs détenus ont chargé Michel Bar, qui a organisé la bagarre fatale entre Jessy Petit et Manolo Braudel. L’un d’entre eux, vieux routier de l’univers carcéral, assure qu’on leur « a fabriqué un ring ».
Rémi Coutin, l’avocat général, devrait prendre ses réquisitions lundi. Photo Alexandre MARCHI
 
Certains souffrent de phobie administrative, d’autres de phobie judiciaire. Comme leurs collègues mardi, les deux surveillants pénitentiaires qui ont témoigné hier matin à la barre n’ont pas profité de cette belle tribune qu’est une salle de cour d’assises pour faire passer les revendications de leurs syndicats qui se plaignent du manque d’effectifs et de moyens. Des revendications qui devraient encore être au cœur du mouvement prévu ce vendredi matin suite à la prise en otage d’un surveillant ce lundi, pendant trois heures, au centre pénitentiaire de Nancy-Maxéville.
 
Avocat des parents, des frères et sœurs de la victime, Manolo Braudel, Me Xavier Lignot ne s’est pas attelé à accabler les fonctionnaires. La veille, il avait en effet annoncé son intention de faire, « dans les mois qui viennent », un recours devant le tribunal administratif pour « les nombreux dysfonctionnements » de l’administration pénitentiaire. « Et nous ne souhaitons pas diluer les responsabilités pénales des accusés par ces défaillances ».

Des surveillants muets mais des détenus qui parlent. Ce mercredi, plusieurs d’entre eux sont en effet venus charger Michel Bar. Cet homme de 40 ans, condamné pour meurtre en 2008, aurait organisé la bagarre fatale entre Manolo Braudel et Jessy Petit, en bisbille pour un problème de jet de barquette de nourriture. Selon le légiste, le premier nommé est décédé des suites d’un « très violent traumatisme crânien » provoqué par cinq ou six coups de pied. Petit a frappé si fort que les coutures en forme de M de sa basket sont restées imprimées sur le visage de la victime…

« Ou tu te bats ou tu te fais battre »

Loquaces à souhait, les détenus, dans leurs dépositions écrites ou témoins cités à la barre, ont raconté comment Michel Bar, « surnommé le Gros » et qui « jouait le kakou », a organisé la rixe fatale. « C’était le commanditaire », « S’il n’avait pas été là, Braudel ne serait pas mort ». Eminemment plus dérangeant : « Il prenait du plaisir à voir les détenus se battre ».

Décrit depuis lundi comme « manipulateur », Michel Bar aurait chauffé à blanc Jessy Petit, nouvel arrivant. « Si t’es un homme, tu dois te battre ». « En promenade, il lui a dit qu’il fallait que cela se règle en un contre un, pour éviter un affrontement entre deux clans », confie un détenu. Ce prisonnier, qui témoigne en visioconférence, décrit parfaitement l’univers carcéral. Ses huis clos terrifiants, ses pressions sourdes ou immédiates. « Une bagarre a été organisée par Michel Bar. En fait, on a poussé ces deux-là à se battre. On les a obligés. On a fabriqué un ring. Pourquoi on se bat, en prison ? Pour n’importe quoi. Un cri. Un regard. Et on ne peut pas se soustraire à la confrontation, à moins de vivre 24 heures sur 24 dans sa cellule. En prison, ou tu te bats ou tu te fais battre. Il n’y a pas d’échappatoire ».

« Vous n’avez rien dénoncé », questionne Me Aurélie Vaxelaire.

« Je ne voulais pas passer pour une balance ».

« C’est quoi concrètement être une balance ? Qu’est-ce que cela implique ? ».

De la main, le détenu place une barre imaginaire très haut au-dessus de la tête : « Il n’y a pas plus dur. C’est un enfer… Cela vous poursuit même en dehors de la détention… ».
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