Pages

mardi 9 septembre 2014

Nancy : procès sous haute tension d'un Bisontin accusé d'avoir tué un codétenu

Les huit détenus impliqués dans la mort de Manolo Braudel, au centre de détention de Saint-Mihiel, comparaissent depuis hier à Nancy.
Jessy Petit, Bisontin de 26 ans, encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle. Photo Alexandre MARCHI
Jessy Petit, Bisontin de 26 ans, encourt jusqu’à 20 ans de réclusion criminelle

Délocalisé à Nancy pour des raisons de sécurité, le procès des huit hommes impliqués dans la mort en août 2010, au centre de détention de Saint-Mihiel, de Manolo Braudel, membre de la communauté des gens du voyage de 22 ans (notre édition de dimanche), s’est ouvert hier après-midi dans une ambiance éminemment pesante. Ecourtée parce que la cour d’assises, présidée par Jean-François Redonnet, a longuement attendu l’un des accusés qui n’est jamais venu (il sera jugé par défaut), cette demi-journée s’est finalement résumée aux formalités d’usage : tirage au sort des jurés, rapport du président, lecture des casiers tous plus fournis les uns que les autres.

Si six de ces détenus sont poursuivis pour « abstention volontaire d’empêcher un crime », délit puni au maximum de 5 ans, les deux autres focalisent la colère de la cinquantaine de proches de Manolo Braudel qui ont investi les bancs de la cour d’assises. Poursuivi pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner avec préméditation », l’auteur des coups mortels, Jessy Petit, Bisontin de 26 ans, risque 20 ans. Michel Bar, qui comparaît libre et qui, hier soir, n’était pas très rassuré au moment de quitter la salle d’audience, aurait organisé la bagarre entre les deux détenus. Il est accusé de complicité mais encourt la perpétuité car en récidive légale (il a pris 7 ans en 2008 pour meurtre).

« La loi du groupe »

« La tension était telle entre Braudel et Petit qu’il était évident que cela allait mal finir », explique Me Berna, son avocat. « Mon client a proposé de régler cela comme cela se fait en prison : par une bagarre. Une bagarre à la loyale, avec, dans le couloir, pour surveiller, autant de gens du clan Braudel que du clan Petit. Je suis persuadé que l’administration pénitentiaire savait qu’une bagarre allait éclater et qu’elle a laissé faire ».

La bagarre s’est déroulée dans une cage d’escalier dépourvue de caméras de surveillance. Manolo Braudel est décédé d’un traumatisme crânien consécutif à cinq ou six coups de pied très violents.
Pour Me Xavier Lignot, avocat des parents, frères et sœurs de la victime, qui n’a cessé d’asticoter les accusés ce lundi, « Manolo n’a pas été avisé qu’une rixe était prévue ». Me Christophe Bernard va, lui, s’atteler durant les prochains jours à tenter de démontrer que « la volonté de Jessy Petit n’était pas celle que les faits peuvent lui prêter. Il a été soumis à la loi du groupe, la loi du plus fort, la loi carcérale. Comme dit l’un des détenus, il n’avait pas le choix… ».

Emu aux larmes par la perte de son enfant, calmant les proches en permanence, Gilles Braudel, le père de la victime, d’une incroyable dignité, se demande comment « ces choses-là peuvent arriver. En prison, on est racketté, agressé, violenté, parfois violé. J’ai d’autres enfants incarcérés et, franchement, j’ai peur pour eux ».

« En sécurité et entre quatre planches ? »

« Comment un homme détenu et donc théoriquement en sécurité peut-il se retrouver entre quatre planches ? », s’interroge légitimement Me Pascal Bernard, avocat de la compagne de Manolo Braudel. « Les surveillants devront aussi venir nous expliquer comment quelqu’un peut se faire massacrer sans qu’ils ne voient rien… ». « La prison est en effet un monde à part où la violence est quotidienne », note Me Berna. « La mort de Manolo Braudel est la faute de Jessy Petit, un peu celle de Michel Bar, mais elle nous incombe surtout à nous, citoyens. Nous ne voyons pas que les prisons sont des zones de non-droit, nous ne voulons pas leur donner davantage de moyens. Or, la vie carcérale est un problème majeur de notre société ».

Manolo Braudel a été découvert inanimé dans l’escalier par un surveillant à 15 h 52. Le premier diagnostic ? Une simple fracture du nez. Le détenu ne sera héliporté vers Nancy qu’à 18 h 05. Il décédera le lendemain, à l’hôpital. La vie d’un détenu vaut-elle moins que celle d’un citoyen lambda ?

Est Républicain

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire