Pages

lundi 24 novembre 2014

Une personne par cellule pour en finir avec la politique du tout carcéral

Le 25 novembre 2014, les articles du code de procédure pénale prévoyant l'encellulement individuel entreront en application, au terme du moratoire de cinq ans prévu par l'article 100 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009. Une nouvelle fois, l'échéance ne sera pas honorée.

Nous savons que ce n'est pas de places de prison dont nous manquons mais de courage collectif.
Il y a des décisions politiques qui honorent les décideurs qui les prennent. Elles résultent d'une réflexion nourrie par l'éthique et confortent notre capacité à vivre ensemble. L'encellulement individuel est affirmé dans les textes depuis 1841 dans le règlement général pour les prisons départementales. Il fut consacré par la loi du 5 juin 1875 et confirmé par les recommandations européennes (Règle pénitentiaire européenne 18). Jamais mis en œuvre, il alimente le scepticisme ambiant et la rancœur.

Nous sommes, depuis autant d'années, des lanceurs d'alerte : combien de temps encore l'accès à la plus élémentaire dignité sera-t-il refusé aux personnes privées de liberté ?

Au terme de son mandat comme contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue considère que « la prison est aujourd'hui une source d'insécurité ».
Or, depuis trente ans la population carcérale a doublé comme la longueur des peines sans aucune corrélation avec la courbe de la délinquance. En 1982, il y avait 31.551 détenus ; en 2013, il y en avait 66.746.
La surpopulation et l'inflation carcérale engendrent une multiplication des centres pénitentiaires construits sur des standards de plus en plus sécuritaires dégradant les conditions de détention des détenus, privés souvent de tout contact humain avec l'extérieur.

Ces programmes de construction de nouveaux établissements pénitentiaires, réalisés dans des conditions honteuses sous forme de Partenariats Public-Privé dans le but de faire des cadeaux à Bouygues et Vinci pour plus de 6 milliards d'euros restant à couvrir par le contribuable, ont sacrifié les moyens consacrés aux politiques de prévention et de réinsertion. C'est ainsi qu'ont stagnées les mesures d'aménagement de peine ou d'alternative à la prison comme les travaux d'intérêt général ou la libération conditionnelle.
Outre le fait de sanctionner, la prison doit aussi réinsérer et prévenir la récidive selon les textes. Or, les conditions actuelles de détention entraînent un taux de récidive galopant parmi les anciens détenus. En 2010, 6% des personnes condamnées pour crimes étaient en "récidive légale" contre 3,9% en 2006, selon les statistiques du Ministère de la Justice. Pour les délits, le taux est passé de 7% à 11%.
La première exigence de tout Etat de droit est de garantir les droits fondamentaux des personnes détenues : leur accès aux soins, à l'éducation, le maintien de leurs liens familiaux, le droit à l'expression collective, à la formation, au vote, à la sexualité...

Pour lutter contre la surpopulation carcérale et la politique du tout-répressif comme cela semble être le credo de la Ministre de la Justice, il fallait en finir avec les peines planchers qui envoyaient en prisons principalement des toxicomanes, des alcooliques, des personnes atteintes de troubles psychiatriques ou en rupture familiale qu'il faut d'abord soigner. Il convient aussi de mettre fin comme le réclame la Ligue des Droits de l'Homme à la « justice d'abattage » que représentent les comparutions immédiates. Il faut en finir avec les courtes peines (environ 80% des personnes entrant en prison restent moins d'un an, 60% moins de six mois) qui sont une « école de la récidive » comme l'a montré le rapport Gendreau-Goggin-Cullen réalisé au Canada en 1999, développer les crédits alloués aux peines alternatives et systématiser la libération conditionnelle (les risques de récidive sont 1,6 fois plus élevés pour un détenu n'ayant eu aucun aménagement de peine par rapport au bénéficiaire de libération conditionnelle) et l'ajournement de sanction avec mise à l'épreuve.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire