Pendant que le nombre de détenus explose en France, il suit un mouvement inverse dans certains pays européens. Explications avec le criminologue Pascal Décarpes.
L'éclairage de Pascal Décarpes, chercheur à l’université de Berne (Suisse), spécialiste en criminologie.
# En Allemagne
"Le nombre de détenus en Allemagne a tellement baissé que cinq ou six prisons ont été fermées depuis 2011. Pourquoi ? Ce n'est pas, en tout cas, parce que la justice allemande est plus laxiste que la française. Chaque Land mène sa propre politique pénale, mais globalement elles ne sont pas très différentes de celle menée en France."
- Moins de jeunes = moins de crimes
"S'il y a moins de détenus, c'est en réalité pour des raisons démographiques. Les Allemands font peu d'enfants (1,36 enfant par femme en 2014, contre 1,99 en France), et la population jeune diminue. Or le milieu criminel "recrute" essentiellement parmi les 15-30 ans. Moins de jeunes, c'est moins de criminalité."
- L'internement thérapeutique n'est pas pris en compte
"13.000 personnes condamnées sont actuellement détenues sous un régime d’internement thérapeutique dans des unités hospitalières sécurisées. Elles ne sont pas comptabilisées dans le nombre de détenus, mais elles existent bel et bien. Cela biaise énormément les chiffres : si on les ajoutait, la baisse du nombre de détenus serait nettement moins significative."
- Des conditions de détention meilleures en Allemagne
"En revanche, et c'est la vraie différence avec la France, les prisons allemandes sont beaucoup plus récentes et mieux entretenues. En Allemagne, il peut arriver que 2 ou 3 détenus se retrouvent dans la même cellule, mais elles sont conçues pour, contrairement à ce qui se passe en France."
"Le pays a fermé cinq prisons en novembre 2013, face à la baisse du nombre de détenus. Les chercheurs suédois ont identifié différents facteurs pour expliquer cette baisse."
"Pour certains délits, notamment concernant le trafic de stupéfiants, les peines sont moins sévères depuis un jugement de la Cour suprême en 2011. On estime que cet allègement des condamnations représente une baisse de 200 à 300 détenus depuis cette date."
"Les peines de probation, c'est-à-dire des peines alternatives à la prison, ont fortement augmenté depuis quelques années. Entre 2004 et 2012, le nombre de détenus condamnés pour trafic de drogue a ainsi chuté de 25% (12% pour les détenus condamnés pour coups et blessures, 36% pour vol)."
- Priorité à la réinsertion
Autre hypothèse, plus compliquée à prouver : la politique pénale suédoise, et les politiques pénales nordiques plus généralement (Finlande, Danemark, voire Norvège), mettent l'accent sur la réinsertion des détenus, en généralisant notamment les libérations conditionnelles aux deux tiers de la peine, les peines en milieu semi-ouvert qui permettent aux détenus de travailler dehors la journée… Ces politiques progressistes semblent porter leurs fruits. La réforme pénale que Christiane Taubira a fait voter cet été s'inspire clairement de ce modèle."
- Moins de jeunes = moins de crimes
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire