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mercredi 21 janvier 2015

Manuel Valls annonce la création de 2680 emplois pour lutter contre le terrorisme

Un renforcement des moyens humains et matériels : c’est l’essentiel de la réponse apportée mercredi 21 janvier par l’exécutif, deux semaines jour pour jour après la tuerie de Charlie Hebdo, en matière de lutte antiterroriste.

Le premier ministre a annoncé un budget de 425 millions d’euros sur trois ans en matériel. Avec le coût du personnel, l’enveloppe devrait se monter à 736 millions d’euros d’ici 2017, dont 246 millions pour 2015 Le président l’avait confié à ses proches, ces derniers jours : « L’attitude de la droite, illustrée par ce que faisait Sarkozy, c’est : un événement, une loi. La gauche, elle, explique qu’il n’y a qu’à appliquer les textes. J’entends pour ma part être pragmatique : ce qu’il faut, c’est corriger, améliorer. »

Le gouvernement, qui avait d’emblée écarté l’hypothèse d’un Patriot Act à la française pourtant exigé par une partie de l’opposition, mais évidemment aussi celle d’un statu quo intenable du point de vue de l’opinion, a donc opté pour la solution technique, comportant beaucoup de mesures déjà annoncées et quelques bonnes résolutions : « Pas de surenchère démagogique, mais une très grande fermeté dans l’action et une volonté de prendre la question à bras-le-corps, et la traiter sans états d’âme et sans angélisme », explique un conseiller de l’exécutif.

Martialement flanqué de ses ministres Bernard Cazeneuve, Christiane Taubira, Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius, Manuel Valls devait en personne annoncer, dès le conseil des ministres achevé, la création de 1 400 emplois au ministère de l’intérieur dans les trois prochaines années, dont 1 100 seront affectés aux différents services de renseignement. La moitié seraient recrutés « dès cette année ».

2 500 personnes à surveiller

Il s’agit de répondre à la menace principale, selon les services : l’augmentation, en Europe et en France, du nombre de personnes à surveiller. En plus des 1 300 environ passées ou encore en Syrie, quelque 500 personnes sont également connues pour appartenir à des filières terroristes dans d’autres régions (Afghanistan, Pakistan, Yémen, Tunisie, Libye…), et près d’un millier actives dans la « djihadosphère ». Au total, ce sont donc plus de 2 500 personnes qu’il faut surveiller.

De même, 950 nouveaux emplois seront créés en trois ans à la Chancellerie, répartis entre les juridictions, l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Enfin 250 emplois seront créés au ministère de la défense et 80 à Bercy, essentiellement des postes de douaniers, pour lutter contre le financement des réseaux terroristes. « Les moyens en équipement des services » devraient de même être renforcés afin de doter ces derniers « de matériels modernes et adaptés ».

Sur la question, politiquement sensible, de la fixation du curseur en matière de surveillance et d’écoutes, le gouvernement, pour l’heure, ne s’avance guère. Il se montre même particulièrement évasif. Tout juste apprend-on que le projet de loi sur le renseignement, qui devrait être présenté en avril au Parlement, « donnera aux services les moyens juridiques d’accomplir leurs missions tout en garantissant un contrôle externe et indépendant de leurs activités », afin de doter le pays « d’un cadre légal pour l’action de ses services de renseignement, légitimant leur activité tout en respectant les libertés publiques et individuelles ». « L’objectif du prochain projet de loi sur le renseignement est de garantir une base juridique claire pour les services, mais aussi permettre une autorisation d’écoutes plus rapide qu’aujourd’hui et contrôlée de manière externe par une autorité indépendante », explique-t-on au gouvernement.

Lutte contre la radicalisation en prison

M. Valls devait également annoncer la création d’un fichier dédié, placé sous contrôle d’un magistrat et sur le modèle de celui qui existe actuellement pour les délinquants sexuels, « dans lequel seront obligatoirement inscrites toutes les personnes condamnées ou mises en cause pour des faits de terrorisme ».

Celles-ci devront régulièrement informer les autorités de leurs changements de domiciles et déclarer tout séjour à l’étranger. Le renforcement des contrôles aux frontières extérieures de Schengen et « un meilleur suivi des déplacements des personnes signalées » sont également annoncé. « Le dispositif PNR, qui sera opérationnel en France en septembre 2015, doit être dorénavant mis en œuvre au niveau européen », se limite à plaider le gouvernement.

Au chapitre justice, le gouvernement annonce ainsi qu’il augmentera « effectifs et moyens du renseignement pénitentiaire ». Une inspection conjointe sera lancée au sein de la PJJ pour dresser un constat objectif et complet des jeunes délinquants pris en charge par ses services. « Avant de se précipiter dans des réponses qui ne correspondraient pas forcément à la réalité sur le terrain, on veut savoir de quels types de jeunes on parle, quels sont les publics qui peuvent se radicaliser, dans quelles proportions, etc. », explique-t-on au gouvernement.

Afin de lutter contre les phénomènes de radicalisation en prison, le regroupement des islamistes radicaux détenus, expérimenté à Fresnes (Val-de-Marne), sera étendu avec la création de quatre quartiers dédiés, et soixante aumôniers musulmans supplémentaires recrutés. Enfin 60 millions d’euros seront affectés au fonds interministériel de prévention de la délinquance « pour la mise en œuvre de dispositifs de contre-radicalisation ». L’exécutif proposera en outre la pénalisation des injures et diffamations « lorsqu’elles sont aggravées par une circonstance liée au racisme ou à l’antisémitisme ». Il n’a en revanche pas retenu la proposition de l’UMP de créer une peine d’« indignité nationale ».
Le Monde

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