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mercredi 21 janvier 2015

Mesures antiterroristes : « Si on doit borner la liberté d’expression, c’est la loi qui doit le faire, pas des entreprises privées »

Manuel Valls a annoncé ce mercredi plusieurs grandes mesures pour lutter contre le terrorisme. Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net, réagit à ces annonces pour Rue89.
  • Le Premier ministre a fait le constat d’une hausse des signalements sur la plateforme dédiée Pharos, mise en place par le ministère de l’Intérieur. Selon lui, 30 000 signalements ont été reçus depuis le 7 janvier.
Adrienne Charmet :
« Qu’est-ce que cela veut dire, une hausse des signalements ? Si c’est un mec bourré qui a crié “Allah akbar”, est-ce que c’est compté comme une hausse du terrorisme ? Je ne suis pas sûre que l’on puisse en tirer satisfaction.
Nous sommes dans un climat délétère de délation, où l’on a tendance à prendre des discours qui sont à la limite de la provocation adolescente pour terroristes. On ne peut pas se baser sur cette hausse pour légitimer des mesures de surveillance. »
  • Manuel Valls a également annoncé des renforts humains pour des « cyberpatrouilles » et les investigations sur Internet.
Adrienne Charmet :
« Des cyberpatrouilles, ça veut tout et rien dire. Qu’est-ce qu’elles auront le droit de faire ? Est-ce qu’elles auront le droit d’inciter des personnes à dire des choses pour les coincer ? Est-ce qu’elles auront le droit de participer à des forums privés sous pseudo ? Il faut être vigilant à leur capacité d’action. »
  • Il a aussi appelé les fournisseurs services internet et les réseaux sociaux à appliquer leur responsabilité juridique et morale. Selon lui, il faut qu’ils répondent aux signalements du public, et coopèrent avec les autorités.
Adrienne Charmet :
« Appeler à la responsabilité morale des acteurs du Web, c’est un biais dangereux, parce que c’est demander à des entreprises privées d’exercer eux-mêmes une censure plus lourde. Si on doit borner la liberté d’expression, c’est la loi qui doit le faire, et non des entreprises privées.
C’est une dérive importante et récurrente, qui consiste à contourner le législatif, pour éviter le débat public.
Mais on voit bien ce que cela donne sur Facebook, ils suppriment des tableaux de nus du réseau, mais laissent passer des vidéos qui appellent au djihad. »
Plus globalement, Adrienne Charmet se dit « rassurée », parce que, dit-elle, l’ensemble des problèmes ont été cartographiés. Elle appelle néanmoins à la vigilance sur la loi sur le renseignement, encore très peu précise.
Et aussi
  • Manuel Valls a confirmé des mesures attendues : un renforcement général des moyens financiers, techniques et humains de l’antiterrorisme, côté police comme côté justice. Le Premier ministre espère ainsi développer les capacités « d’anticipation » et « de détection » en recrutant des analystes, des magistrats, des fonctionnaires du renseignement territorial et pénitentiaire, entre autres. Au total, 2 680 emplois doivent être créés sur trois ans dans le secteur de l’antiterrorisme, dont 1 100 dans les services de renseignement, 950 au ministère de la Justice, 250 à la Défense et 80 à Bercy. Sur cette période, 425 millions d’euros de crédits doivent être débloqués et compensés par des économies ailleurs.
  • La future loi sur le renseignement, portée par le député PS et président de la commission des lois Jean-Jacques Urvoas, doit être débattue au Parlement « début mars ». Elle pourrait modifier le régime des écoutes administratives, augmenter les quotas et offrir la possibilité de les étendre aux proches des personnes surveillées. « La loi de 1991 sur les interceptions a été conçue avant l’internet », rappelle Manuel Valls, qui déplore un « encadrement légal lacunaire ». Un nouveau fichier, répertoriant toutes les personnes condamnées « ou mises en cause judiciairement pour des faits de terrorisme » doit être créé.
  • En ce qui concerne la radicalisation en prison, l’expérience d’isolement des détenus islamistes radicaux à Fresnes devrait être étendue à cinq établissements pénitentiaires. La formation du personnel pénitentiaire sera renforcée et 60 aumôniers musulmans viendront s’ajouter aux 182 existants.
  • Manuel Valls veut également entamer une « réflexion transpartisane » de six semaines autour de la peine « d’indignité nationale » (privation des droits civiques) proposée par l’UMP.
  • Un site internet destiné au grand public doit enfin détailler les moyens de lutter « contre l’embrigadement djihadiste ».

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