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mercredi 4 février 2015

Brouillage des portables en prison : pourquoi c’est si compliqué

Dans les prisons françaises, les détenus ont des téléphones portables en cellule, et les modèles les plus récents leur permettent aussi de naviguer sur Internet. Mais Christiane Taubira veut se donner les moyens de les en empêcher.

Son ministère l’a réaffirmé en janvier : il n’est « pas question » d’autoriser l’usage des téléphones portables en prison, même avec des restrictions. Pour tenir cette ligne, contre l’avis du contrôleur général des prisons, il n’y a pas trente-six solutions mais deux :
  • soit faire la chasse aux téléphones pour trouver toutes les cachettes des détenus (et recommencer sans cesse, quitte à faire monter la tension) ;
  • soit brouiller les réseaux de téléphonie, wifi, 3G et 4G dans l’enceinte des établissements pénitentiaires, grâce à des machines qui envoient des ondes pour en neutraliser d’autres.

678 brouilleurs installés

Dit comme ça, l’opération a l’air enfantine, comme le remarquait un riverain il y a quelques semaines :
« Si l’Etat voulait, il installerait des brouilleurs d’ondes. Ça ne coûte pas super cher (pour 200 euros, vous brouillez dans un rayon de 50 m) et ça bloquerait toute connexion ET à la 3G ET aux réseaux wifi du voisinage. Ça obligerait les détenus à passer par le réseau internet filaire de la prison.
Encore une fois, c’est soit un manque de volonté soit de connaissance. On ne peut même pas invoquer des raisons budgétaires vu le petit prix. »
En fait, ce n’est ni si simple, ni si bon marché.
Ce mardi matin, la garde des Sceaux s’est rendue devant la commission d’enquête parlementaire sur les filières djihadistes. Au détour d’une phrase sur le « plan de sécurisation » des prisons lancé en 2013, Christiane Taubira rappelle que « 678 brouilleurs téléphoniques » (et près de 300 détecteurs de téléphones portables) sont déjà installés dans les prisons françaises.

Une loi de 2002

Dès 2000, la prison de Fresnes est équipée. Mais trois ans plus tard, l’expérience s’arrête. « Le brouillage des portables en prison, c’est fini », annonce alors Le Parisien, « pour des raisons de forme et de fond » : en clair, ça fonctionne mal, c’est ruineux et la Justice a mieux à faire de ses deniers.
Entre-temps, une loi de 2002 a pourtant autorisé l’installation de brouilleurs. Au gré des progrès techniques et des programmes immobiliers, « la quasi-totalité des établissements sont équipés de solutions fixes ou mobiles de brouillage », écrit le ministère de la Justice en 2013. Et la « nouvelle génération » de matériel est sur les rails depuis.

Mais certains appareils ne rayonnent que sur une zone délimitée de la détention (par exemple, le quartier disciplinaire). Et le brouillage des réseaux, en lui-même, pose encore de nombreux problèmes non résolus : inefficacité technique ou risque de surblocage, couplés à un principe de précaution sanitaire et un coût très élevé.

« Quand on brouille, on brouille tout »

Comme l’annonce la ministre ce mardi, l’objectif est désormais de « généraliser le brouillage de haute technologie » (dans toutes les prisons et dans l’intégralité de chacune) et « mieux contrôler les ordinateurs des détenus » pour « s’assurer qu’ils n’ont pas accès à Internet ».
Le problème, poursuit Christiane Taubira, c’est que « quand on brouille, on brouille tout », y compris les téléphones et ordinateurs du personnel pénitentiaire, « la vidéosurveillance », tout ce qui « permet à l’administration de faire son travail ».
La garde des Sceaux aurait pu ajouter que les brouilleurs sont capables de causer des « déclenchements d’alarmes intempestifs », comme l’écrivaient ses services en 2013. Mais le tableau qu’elle dresse est déjà assez clair :
« Notre souci, c’est d’être efficaces, pas de rassurer les Français avec des choses simplistes, sommaires, qui ne fonctionnent pas. »

Prière de ne pas couper le wifi du voisin

Le 20 janvier, Christiane Taubira se montrait encore plus précise, dans sa réponse écrite à un député inquiet de cette « faille de sécurité ». François Cornut-Gentille (UMP) réclamait « l’installation de brouilleurs d’ondes efficaces ».
La ministre soulignait « les limites de ces dispositifs », par ailleurs « très coûteux » :
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