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vendredi 6 février 2015

Christophe Rocancourt mis en cause dans l’affaire du vol de cocaïne du 36, quai des Orfèvres

Un véritable escroc a le talent de toujours s’inventer de nouvelles vies, quitte à s’attirer chaque jour de nouveaux ennuis. A ce titre, Christophe Rocancourt est un escroc de premier ordre.

Christophe Rocancourt, à Cannes, en mai 2008.

Incarcéré depuis quatre mois pour une affaire de corruption dans l’octroi de titres de séjour, « l’escroc des stars » est convoqué vendredi 6 février dans un dossier autrement plus sulfureux : celui du vol de 52 kg de cocaïne fin juillet 2014 au siège de la police judiciaire parisienne. Il est soupçonné de blanchiment et de complicité de recel.

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Cet improbable rebondissement dans l’affaire qui fait trembler depuis six mois les murs du 36, quai des Orfèvres s’est fomenté dans le secret du quartier VIP de la prison de Fleury-Mérogis (Essonne). Jonathan G., le policier de la brigade des stupéfiants soupçonné du vol de cocaïne, y est incarcéré depuis le 6 août. Christophe Rocancourt l’a rejoint le 9 octobre dans le cadre de l’affaire des titres de séjour, qui a incidemment provoqué la mise en examen et le remerciement vendredi du patron du « 36 », Bernard Petit.

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La nature exacte de la relation entre l’escroc et le policier demeure à ce jour un mystère. Depuis début janvier, les policiers de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) s’arrachent les cheveux pour résoudre l’incroyable puzzle qu’est devenue cette affaire. Selon des sources concordantes, il semble en revanche établi que les deux hommes ont piloté depuis leur cellule des transactions de fortes sommes d’argent par l’intermédiaire de leurs proches.

Christophe Rocancourt aurait ainsi demandé lors d’un parloir à un de ses amis, Yossef I., de se mettre en relation avec un certain « Marius » pour récupérer une somme d’argent qui lui était due. Le fameux « Marius » s’appelle en réalité Donovan : il s’agit du petit frère de Jonathan G. Ce dernier aurait parallèlement missionné Donovan pour remettre l’argent à Yossef I., en concertation avec Christophe Rocancourt.

Précieux butin

Le 3 janvier, à 17 h 45, les deux hommes ont rendez-vous devant un immeuble du boulevard Montparnasse, à Paris, raconte une source proche de l’enquête. Yossef I. est garé en double file. Un homme toque à la portière : « Je suis Marius. » Il monte à bord et explique la marche à suivre : « Il faut aller à Créteil. J’ai besoin d’un balai pour récupérer mon sac. »  Les deux hommes font halte dans une épicerie, qui ne vend pas de balai. Sur le chemin, ils récupèrent un manche qui dépasse d’une poubelle.

Alors que la nuit tombe, Yossef et Donovan se garent devant le lac de Créteil (Val-de-Marne). Donovan sort une lampe torche et commence à explorer l’eau depuis la berge. Il cherche un sac. Durant sa garde à vue, dix jours plus tard, il expliquera qu’il avait jeté 150 000 euros dans le lac après les avoir récupérés chez un ami d’enfance de Jonathan. La raison de ce geste demeure à ce jour un mystère.

Le bâton récupéré dans la poubelle s’avère finalement trop court pour draguer le fond de l’eau. Donovan propose d’acheter un balai dans un supermarché. Yossef refuse. Donovan se met alors en caleçon, et descend dans l’eau glaciale où il barbote durant quelques minutes à la recherche du précieux butin. Transit de froid, il regagne finalement la berge bredouille. « J’avais l’impression d’être dans un film. Il n’y avait rien de crédible », confiera Yossef aux enquêteurs.

Circonspects, les deux hommes remontent en voiture et s’arrêtent quelques centaines de mètres plus loin dans une zone arborée. Encore humide de sa précédente immersion, Donovan disparaît quelques minutes dans la végétation, puis regagne le véhicule. Il sort de son sac à dos un sachet qu’il glisse dans la boîte à gants. Le sachet contient 50 000 euros. Yossef le cachera dans un coffre-fort en rentrant chez lui.

Cinq jours plus tard, le 8 janvier, Yossef rend visite à Christophe Rocancourt en prison. Ce dernier lui demande de remettre 12 000 euros à sa femme Alexandra. Yossef s’exécute, enfouit deux bocaux contenant 20 000 euros dans le jardin de sa belle-mère et en cache 10 000 dans un de ses bureaux parisiens. Une partie des 8 000 euros restant sera découverte chez lui. Le soir même, le téléphone de Yossef « borne » (et est ainsi géolocalisé) autour du lac de Créteil, confie une source proche de l’enquête. Il admettra y être retourné, mais n’aurait fait que regarder la surface de l’eau.
Les enquêteurs ont depuis entrepris de sonder les bords du lac à la recherche des fameux 150 000 euros. Ils en ont ressorti un sac contenant des pierres, « quelques billets de 20 euros mouillés » et des journaux compressés, raconte une source policière. Une nouvelle énigme à résoudre dans cette affaire où chacun détient sa part de vérité.

« Parle moins fort »

 
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