Sa carrière de souteneur, Isslam B., l’a lancée du fond de sa cellule. Le 29 juin, ce jeune homme de 25 ans, détenu au centre pénitentiaire de Liancourt, sera jugé par le tribunal correctionnel de Beauvais pour proxénétisme aggravé.
La justice lui reproche d’avoir organisé et planifié, depuis la prison, des passes effectuées par sa petite amie.
Le tout grâce... à un téléphone portable.
Si elle revêt un caractère peu ordinaire, l’affaire se révèle symptomatique du mal dont souffre la prison de Liancourt. En clair, des centaines de téléphones mobiles circulent derrière les murs de l’établissement. Les portables figurent en bonne place au hit-parade des objets interdits découverts dans les cellules, les coursives ou les cours de promenades.En 2014, ce sont ainsi près de 300 appareils qui ont été récupérés selon un syndicaliste du CP de Liancourt, soit deux fois plus qu’en 2012. « Les saisies sont quotidiennes, confirme Delphine Raeckelboom, substitute du procureur de Beauvais. Elles sont tellement nombreuses que certaines ne font même plus l’objet de rapports d’incidents.Parmi les détenus, certains collectionnent parfois jusqu’à quatre ou cinq téléphones...» L’ampleur du phénomène est telle que les contrôles inopinés aux parloirs, les saisies d’objets interdits et les procédures pour recels, représentent à eux seuls 30 % de l’activité totale de la brigade territoriale de Liancourt.
Mais pour l’heure, juguler « le fléau » apparaît illusoire aux yeux du personnel du centre pénitentiaire. D’abord parce que la loi interdit désormais les fouilles systématiques à la sortie des parloirs. « Ensuite, parce qu’on doit faire avec nos moyens. C’est-à-dire pas grand-chose ».
Les téléphones - de plus en plus petits et par conséquent de moins en moins détectables - arrivent par parachutage ou au moment des visites des proches. C’est d’ailleurs à l’issue d’un parloir que sont nées les premières suspicions concernant les activités d’Isslam B. Les agents de l’administration pénitentiaire ont d’abord remarqué que le détenu recevait beaucoup d’argent en liquide. Leurs soupçons ont ensuite été confirmés par la découverte d’un album photo un peu particulier. « Il s’agissait d’un book avec des clichés érotiques de la compagne du prévenu, confie une source proche du dossier. L’objectif était sûrement d’élargir la clientèle potentielle de la demoiselle. »
Dès lors, le couple est placé sur écoute par les gendarmes de la brigade de recherches de Clermont. « Des conversations édifiantes ont été interceptées, poursuit la même source. Il était question du nombre de passes, des tarifs que la jeune femme devait appliquer, et des sommes qu’elle devait récolter...»
Cette dernière, âgée de 22 ans et originaire de Sannois (Val-d’Oise), sera elle aussi jugée le 29 juin prochain, pour travail dissimulé et blanchiment. On ignore en revanche si son compagnon s’expliquera sur l’origine de son téléphone portable.
« Nous traitons les affaires de manière ferme, maisavec discernement »
STÉPHANE HARDOUIN, procureur de la République de Compiègne
Trois détenus qui posent au beau milieu de leur cellule et placardent la photo sur Facebook grâce à un téléphone portable. L’affaire avait agité la maison d’arrêt de Compiègne en novembre. En avril 2013, c’était une arme de poing découverte… dans un livre de la bibliothèque qui avait marqué les esprits. « Parfois, la sanction disciplinaire suffit. L’administration pénitentiaire a son propre panel de sanctions. Mais nous avons un protocole qui conduit les directeurs des établissements pénitentiaires à nous adresser des signalements, pour des faits qui peuvent conduire à des poursuites pénales. C’est important qu’elles existent. Les signalements sont très réguliers mais plutôt classiques », détaille Stéphane Hardouin, procureur de la République de Compiègne.
Comme les autres établissements, la maison d’arrêt de Compiègne est confrontée au phénomène des objets illicites lancés par-dessus les grilles depuis l’extérieur. Les détenus les repêchent au moyen d’outils très artisanaux. Des filets anti-projectiles ont été installés en 2012. Mais ils ne couvrent que les cours de promenade. Selon Eric Tardieu, directeur de la maison d’arrêt, le phénomène aurait gagné en intensité « depuis l’été dernier ». « En coordination avec l’administration pénitentiaire, nous traitons tous les dossiers de manière ferme, mais avec discernement », résume le procureur.
Fin novembre...
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