Les projections de colis par-dessus les murs d’enceinte des prisons, c’est devenu quasi banal. La nouveauté, depuis peu, est que les « lanceurs », qui jadis officiaient presque en toute impunité, sont plus souvent interpellés, et même jugés. Cela change-t-il le quotidien en détention ?
Maison d’arrêt de Sequedin (près de Lille), cour de promenade des détenus hommes. Un jour comme un autre. Un seul surveillant, dans sa guérite, jette un œil à la centaine de prisonniers qui prennent l’air. Puis, « comme un tour de passe-passe, raconte Sébastien Corselis, délégué FO-Pénitentiaire à Sequedin, ils se mettent en rond et se partagent les contenus des colis. Impossible de tous les fouiller, de savoir qui a pris quoi ». Parfois, le samedi après-midi, une quarantaine de missiles atterrissent dans cette cour. Contenant : drogue (cannabis ou herbe), téléphones, souvent en pièces détachées, viande halal (pas servie par la restauration pénitentiaire).
Couteau de cuisine de 7,5 cm
Mardi, indique Guillaume Pottier, surveillant à Sequedin et membre du syndicat UFAP-UNSA-Justice, « un couteau de cuisine de 7,5 cm a été retrouvé dans une cellule ». Le personnel en est sûr, cette arme potentielle n’a pas pu passer l’étape du portique détecteur de métaux. Il proviendrait alors d’une projection.Or, les surveillants le remarquent, les lanceurs « se font avoir plus souvent ». Signe que les pouvoirs publics se soucient davantage de la sécurité en détention ? On se souvient qu’à l’occasion de l’évasion de Redoine Faïd, le 13 avril 2013, les syndicats pointaient déjà le fléau des colis volants.
Creuser davantage le fosssé
Au début de l’été, période traditionnellement chaude en prison, un représentant du préfet et un membre du parquet de Lille sont venus à la maison d’arrêt de Sequedin, pour évoquer le sujet. Depuis,les rondes de police se sont intensifiées. Et lorsque les surveillants postés au mirador les appellent, en voyant une voiture garée feux de détresse allumés sur la bretelle de l’A25 avec des projeteurs qui en sortent, « ils essayent de nous envoyer quelqu’un rapidement ». À en croire les surveillants, la dissuasion fonctionne bien en semaine, mais les lanceurs se reportent sur la nuit et le week-end. Une solution a été soumise à la direction : creuser davantage le fossé, afin de l’élargir pour éviter que les malfrats ne l’enjambent et puissent ainsi mieux viser la cour de promenade.Autopsie d’un colis type
Un colis destiné à devenir missile ne paye pas de mine. On le reconnaît parce qu’il est bien ficelé (pas question de perdre des marchandises dans les airs), et surtout rembourré. N’oublions pas qu’il est destiné à être lancé très haut, et va donc retomber de tout aussi haut, sur le bitume de la cour de promenade.À l’intérieur, trois ingrédients principaux, qui grouillent en prison : des téléphones portables, souvent en pièces détachées, du cannabis, et de la viande halal. Parfois, dans les missiles confisqués par les surveillants, on trouve de l’alcool. Plus rarement, des objets qui peuvent être utilisés comme armes, par exemple un couteau.
En 2014, les surveillants ont trouvé 447 portables, et 2200 grammes de stupéfiants, herbe et cannabis, et de janvier à fin juillet 2015, 667 portables ont déjà été découverts par les surveillants, ainsi que 2700 grammes de stupéfiants.
Des lanceurs devant le tribunal
Dans un tract intitulé « Projections : un de pris, dix qui reviennent ! », le syndicat FO-Pénitentiaire demande : « La réponse pénale est-elle à la hauteur ? »Pourtant, le parquet de Lille semble vouloir afficher sa volonté de frapper fort face aux lanceurs de missiles. Mardi 28 juillet, trois jeunes hommes de 19 ans sans casier judiciaire, jugés en comparution immédiate devant le tribunal de Lille, ont écopé de peines de prison ferme. Une patrouille de gendarmes de la brigade d’Annœullin avait surpris les lanceurs organisés, tout près du centre de détention situé dans la même commune, le dimanche précédant l’audience. L’un des trois est équipé d’une disqueuse, pour découper le grillage. Un deuxième est chauffeur et attend les autres dans une voiture, le troisième est chargé des missiles eux-mêmes. Le tout aurait été organisé, d’après leurs déclarations, par un « grand » de leur cité.
En effet, les lanceurs, ceux qui se font attraper, ne sont souvent que des mules...
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