Il est travailleur sanitaire et social et a approché le milieu carcéral, ses locataires, ses surveillants. Ce sont ces derniers qui souffriraient le plus.
Travailler au plus près des détenus et du personnel pénitentiaire ? « C’est être un paravent. » Être un surveillant, un « maton », un gardien de prison ? « C’est être épuisé, sur les rotules. »
Tel est le témoignage, glaçant, d’un travailleur sanitaire et social, qui a travaillé au sein des maisons d’arrêt du Nord-Est de la France, pendant quelques années. Si notre interlocuteur a quitté depuis l’administration pénitentiaire, c’est pour s’évader d’un « milieu maltraitant » et usant pour ceux qui y travaillent au quotidien. Aujourd’hui, il comprend que les gardiens laissent éclater au grand jour leur colère. Entretien.
Oui. De mon expérience, les plus grandes difficultés étaient vécues non pas par les détenus mais par les collègues et la hiérarchie. Ce sont eux qui posaient le plus de problèmes, notamment par rapport aux conditions de travail. Dans les maisons d’arrêt dans lesquelles j’ai travaillé, les surveillants étaient souvent seuls.
Seuls ? C’est-à-dire ?
Pour gérer un étage par exemple, ils étaient seuls, seuls pour cinquante détenus. Pour la plupart des prisons, il y avait beaucoup d’arrêts, donc peu de collègues qui pouvaient être rappelés. Ceux qui restaient devaient donc gérer la détention avec un minimum d’effectifs, avec des exigences de détenus de plus en plus élevées. Je me souviens que dans l’une des maisons d’arrêt, à l’époque, 50 % des effectifs étaient des stagiaires, des élèves. C’est-à-dire que des élèves se retrouvent en poste, seuls. On s’imagine que les stagiaires sont mis dans des postes « pépères ». Eh bien non, on met aussi des stagiaires dans de gros établissements, sur des postes « chauds », parce qu’il manque des effectifs, tout simplement. Forcément, lorsque les détenus voient arriver « les petits bleus », ils jubilent…
Dans quel état avez-vous trouvé les surveillants que vous avez côtoyés ?
Je les ai trouvés épuisés, sur les rotules. Par manque d’effectifs, par manque de sommeil. Parce qu’ils sont rappelés régulièrement sur leur temps de repos. Manque de reconnaissance et de soutien par rapport à la hiérarchie. Par exemple, un détenu se suicide. C’est au surveillant de prouver qu’il a tout fait pour sauver le détenu. Quelque part, c’est une double peine, lorsque le détenu, malheureusement, ne survit pas. Le surveillant est auditionné par la police. Après, c’est la parole de l’un contre la parole de l’autre. La parole du détenu ou de sa famille contre celle du gardien de prison. [...] Il y a, en plus, des surveillants femmes qui sont mis dans des quartiers d’hommes.
Les difficultés sont-elles les mêmes pour les médecins et psychologues pénitentiaires ?
Oui. Sur mon secteur, aucun travailleur n’a été embauché depuis que j’en suis parti. L’administration a du mal à recruter des psychologues, des médecins de prévention. Lorsque ces médecins ou psychologues donnent l’alerte sur l’état de santé de tel ou tel personnel, il n’y a pas de retour, il n’y a pas d’écoute. Il n’y a pas de prise en considération. Beaucoup de médecins démissionnent. Ils ont beau alerter, cela ne sert à rien.
Un détenu sur deux souffre de troubles psychiatriques. Quelle est la solution ? Des centres psychiatriques fermés ?
Ils existaient, ces centres, il y a dix ans. Mais les services ont fermé les uns après les autres...
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