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mercredi 9 décembre 2015

Attentats du 13 novembre : Pourquoi Salah Abdeslam a téléphoné à un détenu de la prison de Namur

Dans les heures qui ont suivi les attentats du 13 novembre à Paris, Salah Abdeslam, soupçonné d’avoir pris la fuite après avoir pris part aux attaques, a téléphoné à un détenu de la prison de Namur, en Belgique.

Avis de recherche concernant Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, le 3 décembre à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.

Selon les informations du Monde, les enquêteurs le soupçonnent d’avoir alors essayé, par l’intermédiaire de ce détenu, de joindre Abdellah C., 34 ans, l’un des huit hommes aujourd’hui interpellés et placés en détention provisoire en Belgique, dans le cadre de l’enquête sur les tueries de Paris. Employé à l’aéroport de Bruxelles, Abdellah C. a été arrêté le 23 novembre.

Les enquêteurs sont remontés jusqu’à lui lors de leurs investigations téléphoniques. Ils s’interrogent notamment sur l’aide qu’il a pu fournir à Salah Abdeslam dans sa cavale pour pouvoir communiquer sous un alias, sans être repéré. En fouillant la cellule du détenu de Namur, un certain Naïm B., les enquêteurs ont en effet mis la main sur un document où était rédigé le numéro de téléphone d’Abdellah C. Une découverte que ce dernier justifie par le fait que son petit frère, au casier judiciaire bien rempli, était justement le codétenu de ce prisonnier jusque « fin octobre-début novembre ». A cette époque, les deux frères s’appelaient régulièrement, s’est défendu Abdellah C.
Selon des documents que Le Monde a pu consulter, l’autre raison importante qui a conduit à l’interpellation d’Abdellah C. tient à l’amitié qu’il a longtemps eue avec Mohamed Abrini, 30 ans, suspecté d’avoir pris une part active à l’organisation des attentats de Paris. En fuite, comme Salah Abdeslam, ce belgo-marocain fait l’objet d’un mandat d’arrêt international.
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Un chauffeur discret

C’est Abdellah C. qui a ainsi convoyé Mohamed Abrini jusqu’à l’aéroport de Bruxelles, durant l’été, pour ses « vacances » en Turquie. Un aller-retour pour lequel le jeune homme n’aurait pas posé de questions et durant lequel il était surtout accompagné d’un autre mis en cause important de l’enquête sur les attentats de Paris : Ahmed Dahmani. Ce Belge de 26 ans a été interpellé le 21 novembre en Turquie, à Antalya. En août, il avait été repéré en Grèce avec Salah Abdeslam à bord d’un ferry à destination de l’Italie.
Selon la justice belge, Abdellah C. avait de nouveau joué les chauffeurs « deux ou trois semaines plus tard », selon ses dires, en allant chercher Mohamed Abrini à son retour de vacances. Mais à Paris et seul, cette fois. Après l’arrivée de Mohamed Abrini à l’aéroport Charles-de-Gaulle, les deux hommes s’étaient retrouvés porte de Clignancourt, puis ils étaient rentrés à Bruxelles. Abdellah C. se serait contenté de se faire remercier du déplacement par un plein d’essence.

Boire des verres au bowling

Des amitiés encombrantes pour Abdellah C., alors que pour les spécialistes de l’anti-terrorisme, « vacances en Turquie » signifie souvent « séjour en Syrie dans les rangs de l’État islamique ». Chez les Abrini, le djihad n’est en outre pas une chose étrangère. Un petit frère de Mohamed Abrini, Souleymane, a rejoint l’Etat islamique en janvier 2014, avant d’y mourir huit mois plus tard. Des photographies tirées d’un autre dossier judiciaire que Le Monde a pu consulter, montrent que ce petit frère a combattu dans la même « cellule » qu’Abdelhamid Abaaoud, suspecté d’être l’un des cerveaux des attentats de Paris, et tué lors de l’assaut des forces de l’ordre à Saint-Denis, le 18 novembre.
Après quelques hésitations, Abdellah C. n’a toutefois pas caché son amitié pour Mohamed Abrini. Il passait souvent le voir dans le snack-boulangerie où il travaillait avec son frère Ibrahim, à Molenbeek. Ils fumaient une cigarette ensemble, discutaient cinq minutes. Parfois ils allaient au bowling, boire des verres. C’est Mohamed Abrini qui l’avait d’ailleurs aidé, fin octobre, à déménager de cette banlieue de Bruxelles, où il vivait depuis deux ans. Ils ne s’étaient pas revus depuis. Abdellah C. a reconnu de la même manière qu’il avait déjà aperçu Mohamed Abrini au snack-boulangerie en compagnie de Salah Abdeslam.
Derniers soupçons qui pèsent lourdement dans la mise en cause d’Abdellah C. : son héritage familial. Il est le fils d’un imam très radical, Abdelkader C., connu partout en Belgique pour ses prêches appelant au djihad et contre qui une procédure d’expulsion est actuellement en cours. Père de neuf enfants, celui-ci a notamment exercé à Verviers, où la famille a longtemps vécu. La ville est aujourd’hui l’une des communes belges les plus touchées par le phénomène des départs en Syrie. En janvier, un important projet d’attentat y a été déjoué, quelques jours après les attaques de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher.
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« Si tu parles, on te coupe la gorge »

Un autre frère d’Abdellah C. a ainsi été brièvement interpellé dans le cadre de l’enquête sur les attentats du 13 novembre avant d’être relâché. La mère d’Abdellah C. et un autre de ses frères ont dans la foulée tenu à témoigner, le 27 novembre, sur la chaîne belge RTL. « De nombreux imams, des prédicateurs venus de l’étranger sont venus loger à la maison. Je devais leur faire à manger, j’étais menacée : Si tu parles, on te coupe la gorge” », a notamment raconté la mère. « On nous a toujours manipulés, on nous a toujours bouffé le cerveau [en nous disant] : “Le djihad, c’est une obligation, on est obligé de faire le djihad” », a expliqué de son côté le frère, en se disant persuadé qu’Abdellah C. n’avait sans doute « rien fait de très grave ».
« Mon client est quelqu’un de tout à fait normal, il a une famille, un travail, il est musulman mais non pratiquant, il n’est pas radicalisé, il ne va même pas à la mosquée et ne fait pas le ramadan, s’agace l’avocat d’Abdellah C., Me Guylain Mafuta Laman. Il n’a absolument rien à voir avec les attentats de Paris. Il faut absolument rappeler qu’il est présumé innocent », s’alarme-t-il.
Interrogé sur l’endroit où pourrait se cacher Salah Abdeslam, Abdellah C. a confié...
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