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mercredi 16 décembre 2015

Taubira néglige-t-elle la radicalisation des prisons ?

Tous les responsables des attentats récents sont passés par la case prison. Pourtant, les mesures annoncées restent très insuffisantes.
Les consignes données au personnel pénitentiaire sont inefficaces.
 
C'est un avocat qui le raconte : défenseur d'un délinquant du banditisme ordinaire, entré en prison vêtu d'un jean et d'un banal pull-over, il l'a vu en quelques mois se laisser pousser la barbe et se vêtir d'une djellaba.


C'est dans cette tenue qu'il s'est présenté avec son avocat devant la juge de l'application des peines pour demander une remise de sa peine. Mais quand il a appris que le magistrat était une femme dont le nom patronymique révélait qu'elle était d'une famille juive, il a tout simplement refusé de comparaître devant elle. Préférant renoncer par avance à la décision qu'elle aurait pu prendre en sa faveur.

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Non seulement la prison semble incapable d'endiguer la contagion de radicalisme en son sein, mais en dépit des attentats dont la France a été la victime, d'abord en janvier, puis il y a un mois, le phénomène continue à progresser. Le lundi 16 novembre, à midi, toute la France observe une minute de silence à la mémoire des victimes de la tuerie du Bataclan ou des terrasses. Le seul endroit où ce moment de recueillement a été sifflé, ce sont les prisons. Certes, il y a environ 60 % de détenus de confession musulmane dans les lieux d'incarcération. Au moins peut-on espérer qu'une majorité d'entre eux ne s'est pas convertie au radicalisme. Mais le mal gagne, des centrales jusqu'aux maisons d'arrêt. La plupart des gardiens en sont les témoins impuissants et le racontent.

Des consignes inefficaces

Madame Taubira, la garde des Sceaux, qui a participé à tous les conseils réunis d'urgence à l'Élysée au lendemain du 13 novembre avait accepté l'idée que les détenus considérés comme susceptibles de faire du prosélytisme soient désormais isolés. Mais l'administration pénitentiaire semble avoir reçu des consignes qui, en ce domaine, ont la même efficacité qu'un cautère sur une jambe de bois. Il a été en effet précisé que les détenus radicaux ne pouvaient avoir de contact avec les autres prisonniers, sauf si un gardien était présent. Comme il y a toujours un ou plusieurs gardiens lors des promenades, rien n'empêche les prêcheurs du djihadisme de se mêler aux autres détenus.

Leur travail de conversion est d'autant plus discret que le personnel pénitentiaire a remarqué que les plus radicaux prenaient bien soin, depuis quelque temps, de ne plus afficher de signes ostensibles de leur appartenance. Ni barbe ni djellaba, ils sont la plupart du temps en survêtement, comme les autres.

Urgence

Cela fait des années que des associations, comme celle créée par Pierre Botton, Ensemble contre la récidive, réclament que l'administration pénitentiaire ne mêle pas ceux qui ont été condamnés à des peines légères, aux durs du grand banditisme. Or, ce qui est valable pour les truands l'est évidemment tout autant pour les prêcheurs de l'islam radical. Pourtant, en dépit de projets nombreux de centres adaptés aux primo-délinquants, distincts des lieux de détention des détenus les plus durs,  dans lesquels on leur permettrait de recommencer à se socialiser en leur apprenant un métier, en participant à des activités professionnelles pour lesquelles certaines entreprises ont accepté de jouer le jeu, rien n'avance. Ou si lentement.

Madame Taubira, une fois de plus, ne semble pas, prendre conscience de l'urgence du problème. Elle sait pourtant que le personnel pénitentiaire a de plus en plus de mal à gérer la sécurité dans certaines prisons où les radicaux se sont multipliés. Jusqu'à présent, les gardiens ont toujours réussi à découvrir à temps du matériel dangereux pour la sécurité des établissements. Et jusqu'à des explosifs. Mais là non plus le risque zéro n'existe pas, comme se plaisent à le rappeler les responsables politiques.
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