Sur le vaste terrain clôturé par des barbelés de la prison de Leiria, dans le centre du Portugal, quatre détenus terminent de planter des betteraves.
Comme les salades et les choux qui poussent un peu plus loin, ces légumes seront distribués aux plus démunis.
Le soleil, encore timide en ce matin de printemps, baigne les potagers irrigués par une petite rivière qui coule en contrebas. Et Luis Coimbra, 24 ans, y creuse des trous à intervalles réguliers.
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«Ici, nous allons planter des aubergines», explique-t-il, une casquette rouge à l’envers sur la tête. Il fait partie des dizaines de détenus volontaires chaque année dans six prisons portugaises pour cultiver puis récolter plus de 100 tonnes de légumes par an destinés aux banques alimentaires.
Préférant taire la raison de son incarcération, il explique être «heureux de pouvoir aider des gens dans le besoin», puis ajoute : «C’est agréable, aussi, de ne pas être tout le temps enfermé».
Réservée aux jeunes de 16 à 25 ans, la prison de Leiria met plus de 4 hectares, sur un total de 93, au service des «potagers solidaires», nés en 2009 d’un partenariat entre les services pénitentiaires et la fédération des banques alimentaires portugaises.
D’autres initiatives plus ou moins similaires existent ailleurs dans le monde. Au total, 120.000 personnes profitent de ces légumes au Portugal.
«Symboliquement, c’est une façon pour les détenus de réparer les erreurs qu’ils ont commises en aidant des personnes issues de familles modestes», comme le sont bien souvent les leurs, résume José Nunes, le directeur de la prison.
Apprendre à cultiver
Au loin, trois autres détenus posent une bâche protectrice sur le sol à l’aide d’un tracteur. Vitor Camas, l’un des gardiens, leur prête main-forte. «Ça leur crée des habitudes de travail qu’ils n’ont pas, le respect des règles. Ainsi, ils font quelque chose d’utile pour la société», estime-t-il.
Au volant du tracteur, Helio Correia, 25 ans, raconte son parcours : «Vols, trafics... j’ai été condamné à 10 ans et 4 mois de prison. J’en ai déjà fait 9», dit-il. Un énorme sourire lui éclaire le visage. «Ici, nous apprenons à cultiver. C’est quand même mieux que de jouer à la Playstation !», lance le détenu.
Certains ont suivi au sein de la prison une formation agricole théorique.
Ils travaillent ensuite dans les potagers mais aussi dans la vigne, qui produit un vin vendu localement, ou plantent du maïs destiné aux élevages de la région.
Quelques-uns espèrent pouvoir continuer dans le secteur à leur sortie de prison. Bruno Muconda, 21 ans, compte même aller travailler dans les plantations de canne à sucre de sa famille, sur l’archipel de Sao Tomé e Principe, ancienne colonie portugaise située au large de l’Afrique de l’Ouest.
«Quand j’ai dit à ma famille ce que je faisais, ils ont trouvé ça drôle au début, parce que je suis né à Lisbonne, je suis de la ville», raconte-t-il, ajoutant qu’il a «appris à aimer le contact avec la terre».
Ce qu’il faut pour la soupe
En fin de matinée, c’est l’heure de la récolte des choux, en début d’après-midi celle des salades. Puis la camionnette blanche de la banque alimentaire vient chercher la cargaison de légumes.
«Des choux, des courgettes, des citrouilles... il y a tout ce qu’il faut pour faire une soupe. Et nous essayons d’optimiser les cultures pour produire tout au long de l’année, pour que la banque alimentaire reçoive des légumes régulièrement», explique l’ingénieur agronome de l’établissement pénitentiaire, Estanislau Ramos Dias.
L’association participe aux frais à hauteur de 2.400 euros par an et par établissement, ils permettent de payer l’essence des machines agricoles et l’indemnisation de 63 centimes par heure versée à chaque détenu.
Pour la banque alimentaire, ces légumes sont devenus indispensables. «Avec la crise, les dons ont baissé et les besoins augmenté», relève Adelino Simoes, responsable de l’association. «Nos méthodes traditionnelles pour récolter de la nourriture dans les supermarchés ne suffisent plus».
Le nombre de prisons disposant d’un potager solidaire devrait passer bientôt de six à dix et l’association espère à terme étendre le projet à l’ensemble des quelque 50 établissements du pays.
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