Malgré l’épaisseur des murs, la chaleur est pesante dans les couloirs de la maison d’arrêt du Val-d’Oise (Mavo).
Le 23 août, l’établissement d’Osny a reçu la visite de Philippe Houillon, député (LR) de la circonscription.
En sa qualité de parlementaire, le maire de Pontoise, avocat de profession, a pu se rendre au cœur de l’une des cinq premières unités dédiées (UD) aux détenus radicalisés ou en voie de radicalisation violente ouverte depuis janvier dans l’une des quatre ailes de la Mavo.
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Il s’agit ici de tenter de répondre à de très délicates questions telles que la lutte contre la radicalisation en prison ou la prise en charge des djihadistes partis pour la Syrie ou l’Irak.
Aujourd’hui en France, 265 personnes sont placées sous mandat de dépôt pour terrorisme lié à l’Islam radical, 31 sont à la Mavo. « Beaucoup viennent d’autres prisons », explique au député un membre de l’équipe projet. En effet, tous ou presque sont d’abord passés par Fresnes (Val-de-Marne) et Fleury-Mérogis (Essonne) pour une évaluation. Ils sont envoyés à Osny car on a estimé qu’ils étaient « accessibles ».
Les clés claquent dans les serrures : il faut passer de nombreuses grilles pour atteindre cette fameuse UD. Celle-ci ressemble finalement au reste de la prison.
Dans cette coursive aux murs rose pâle repeints il y a peu, des bureaux pour les personnels, des salles d’activités et 23 cellules individuelles de 9m² fermées par des portes pleines à œilleton qui les rendent invisibles. Au fond, une petite cour de promenade isolée des autres prisonniers. À ce jour, seules 18 sont occupées.
Une exception dans cet établissement miné par la surpopulation carcérale avec plus de 900 prisonniers pour 600 places.
Ici, 18 détenus, en attente de jugement, vont suivre un programme de six mois sous l’égide d’une équipe spécifique. Issu des expérimentations de « réengagement citoyen » déjà menées depuis 2015 à Fresnes et à Osny, il mêle cours de géopolitique, groupes de parole, entretiens individuels mais aussi interventions de chercheurs, repentis… tout ce qui peut contribuer à déclencher un changement.
Ces détenus ont aussi accès à la salle polycultuelle de la Mavo partagée à tour de rôle par toutes les aumôneries. Des binômes composés de psychologues et d’éducateurs spécialisés les suivent pendant tout le cycle. Du personnel formé à ces questions tout comme les gardiens attachés à l’unité.
« Nous avons réussi à établir un dialogue, c’est essentiel », précise une agente. « Ne peuvent-ils pas dissimuler leurs intentions ? », s’inquiète Philippe Houillon. « C’est facile de dissimuler des intentions terroristes lors d’un entretien d’une demi-heure avec un psy, c’est plus difficile de dissimuler pendant plusieurs semaines, sous l’œil de surveillants ou d’éducateurs », répond un autre membre de l’équipe. Ce programme peut encore être amené à évoluer.
« Nous avons essayé de mettre en place quelque chose de pragmatique et nous avons été conseillés par des spécialistes. Mais on expérimente encore », souligne-t-on. « On sent les personnels très impliqués mais il va falloir que les moyens suivent car c’est un travail de dentellière », assure Philippe Houillon.
Reste également à savoir si ces hommes peuvent réellement changer en six mois, si le travail effectué n’est pas perdu par la suite. « Il faut du temps pour mesurer l’efficacité de ce que l’on a mis en place. Mais les premiers résultats sont encourageants », assure l’équipe projet.
« Cela présente plus de nouveaux dangers que de solutions »
Pour Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté, l’enthousiasme affiché de l’administration pénitentiaire concernant les unités dédiées est à relativiser. Depuis l’annonce de la création de ces UD en 2015, la responsable et ses services ont déjà rédigé deux rapports critiques sur cette initiative.
Dans le dernier, publié en juin, Adeline Hazan a fait une nouvelle fois part de ses doutes quant à l’efficacité de ces cinq premières UD qu’elle a pu visiter de février à mai 2016. « Je ne suis pas contre les programmes dédiés de désengagement et je ne mésestime pas la complexité de la tâche, mais je reste opposée à ces UD qui regroupent des personnes aux niveaux de radicalisation très différents. Cela présente plus de nouveaux dangers que de solutions car l’encellulement individuel n’évite pas le prosélytisme », précise-t-elle.
Malgré ce scepticisme assumé, Adeline Hazan reconnaît l’avancement du travail fait par les équipes d’Osny. « Pilote dès 2015, la réflexion avait donc commencé bien avant son ouverture en janvier, précise-t-elle. Les programmes ont été préparés et sont plus aboutis que ceux d’autres sites créés dans la précipitation ».
Parmi les points positifs, la possibilité d’accès (sous conditions) des détenus des US à certaines activités et la mise en place d’une équipe de surveillants dédiés. « On a pu constater qu’il commence à se passer des choses intéressantes à Osny notamment au sein des groupes de paroles », confirme la contrôleure.
Cependant, Adeline Hazan regrette toujours le manque de clarification de l’AP sur certaines de ces interrogations. « Sur quels critères sont-ils orientés dans ces unités ? Que se passe-t-il lorsqu’ils retourneront en détention après six mois dans le programme ? Nous n’avons toujours pas de réponse ».
L’isolement difficile à mettre en place d’après les syndicats
Côté syndicat, l’unité dédiée de la Mavo ne donne pas entière satisfaction malgré les moyens mis en place. Pour Jérôme Nobecourt, délégué régional FO de l’administration pénitentiaire, l’UD a ouvert en équipe restreinte. « Nous avions demandé 6 agents, ils sont 5. Nous avions aussi demandé un officier responsable du secteur, on ne l’a pas eu », explique-t-il.
Le syndicat, qui prône des établissements spécifiques pour ce type de détenus, regrette également la difficulté d’isoler réellement ces détenus des autres notamment en raison de la forte surpopulation carcérale. « Régulièrement, on se retrouve avec des détenus arrivants lambda qui sont hébergés dans des cellules libres de l’unité. Cela peut durer jusqu’à une semaine voire deux », dénonce-t-il.
Il en existe cinq sur le territoire
Le 21 janvier 2015, le Premier ministre Manuel Valls annonce les mesures du plan de renforcement de la lutte contre le terrorisme. Parmi elles, la création de cinq « unités dédiées » aux détenus radicalisés ou en voie de radicalisation violente.
Outre Osny, les quatre autres sont installées dans les prisons de Fresnes, Lille-Annoeullin et Fleury-Mérogis qui en compte deux. Leur ouverture s’est échelonnée de fin janvier à fin mars 2016. Mais la question de la radicalisation est plus que jamais un enjeu.
Le 15 juin, le ministre de la Justice annonçait que des programmes de prévention de la radicalisation seront lancés prochainement dans 27 établissements pénitentiaires. Ces derniers devraient être menés parallèlement au dispositif d’unités dédiées.
Le Parisien
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