Stéphane Jacquot, ancien secrétaire national Les Républicains (LR), et Dominique Raimbourg, député PS et président de la Commission des lois à l’Assemblée Nationale, signent dans le JDD une tribune dénonçant "un encombrement des maisons d’arrêt qui nuit à notre sécurité".
Récemment, le premier ministre et le garde des sceaux ont visité la maison d'arrêt de Nîmes. Manuel Valls y a annoncé un plan spécifique, concret, précis et financé pour les prisons. Ce plan sera présenté par Jean Jacques Urvoas en septembre prochain.
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Record battu en juillet : 69.375 détenus
Le choix de la maison d'arrêt de Nîmes est judicieux. 413 détenus s'y partagent en effet 192 places. C'est à l'image de la situation française.
Au 1er juillet 2016, le record de 69.375 personnes détenues (pour 58.311 places) a été atteint. Cette surpopulation n'affecte que les maisons d'arrêt où sont détenus les condamnés à moins de 2 ans de prison, les prévenus en attente de jugement et les condamnés à plus de deux ans qui attendent qu'une place se libère dans un établissement pour peine de plus de deux ans.
En effet, l'administration pénitentiaire a fait le choix de concentrer la surpopulation dans les maisons d'arrêt suite aux émeutes des années 70. En conséquence les 49.906 détenus des maisons d'arrêt doivent se partager 33.067 places et supporter un taux de surpopulation de 141,9 détenus pour 100 places, taux qui atteint 168,3 en Ile de France.
"80% des sortants n'ont ni contrôle ni suivi"
Cette situation nuit à notre sécurité collective. Pour le bon fonctionnement quotidien de notre justice, il faut se souvenir d'une vérité trop souvent oubliée : toute personne qui y entre finit toujours par en sortir, même si c'est parfois après des dizaines d'années et atteint par le grand âge.
Ainsi, en 2014, dernier chiffre que nous connaissons, 87.275 personnes sont sorties de prison.
D’après les recherches menées pour la réforme pénale du 15 août 2014, elles ont montré que 80% des sortants n'ont aucun contrôle ni aucun suivi. Bien pire, ce taux atteint 98% pour les sortants condamnés à 6 mois ou moins d'incarcération. L'encombrement de nos maisons d'arrêt est tel que cela interdit aux personnels de travailler correctement, de préparer la réinsertion et de lutter ainsi contre la récidive.
Donner plus de moyens à la Justice et aux alternatives à la prison
Le plan promis est donc le bienvenu. D'ores et déjà, plusieurs thèmes s'imposent. Tout d'abord, il faudra donner à la justice les moyens de fonctionner. Si les budgets ont augmenté régulièrement, c'est sans commune mesure avec les augmentations des missions.
Au delà, il faudra construire des prisons, il y a d’ailleurs un consensus politique sur cette position, mais en se souvenant qu'il faut plusieurs années pour livrer le moindre établissement et que chaque place revient en moyenne à 150.000 euros.
En outre, il faudra éviter les courtes peines. Infligées souvent à des multirécidivistes de délinquance moyenne, elles sont peu efficaces, faute de surveillance à la sortie. Il faudra leur préférer des alternatives avec un suivi serré sur le modèle de la contrainte pénale.
Puis il y a ces détenus qui n’ont rien à faire en prison, comme le constatent de nombreux directeurs de prison lors de leur entretien obligatoire avec les arrivants. Certains étant incarcérés des années après la commission des faits alors qu’ils sont totalement réinsérés, au point de prendre leurs congés annuels de travail pour exécuter leurs peines. Les directeurs de prison devraient avoir un droit d’alerte et saisir dans les 48 heures de l’incarcération un juge avec le pouvoir d’orienter le détenu vers un travail d’intérêt général (TIG).
"Construire une culture de l'accompagnement"
Enfin, il faudra éviter les sorties sans suivi, dites sorties sèches, en développant la libération sous contrainte, qui consiste à libérer un peu avant la fin de peine en mettant en place un contrôle et un suivi intense, notamment en instaurant un tutorat dès la sortie par des visiteurs de prison qui ont entrepris un accompagnent au cours de la détention.
En un mot, il faut construire, en parallèle à la culture de l'enfermement, une culture du contrôle et de l’accompagnement. C'est compliqué et exigeant mais c'est la seule solution pour améliorer la sécurité de tous, la dignité des détenus et assurer des conditions de travail décentes aux personnels pénitentiaires."
Stéphane Jacquot, ancien secrétaire national Les Républicains (LR), membre de l’équipe de campagne d’Alain Juppé, et Dominique Raimbourg, député PS, président de la Commission des lois à l’Assemblée Nationale. Tous deux auteurs de Prison : Le choix de la raison, éditions Economica.
JDD
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