Au 1er août, les prisons françaises hébergeaient 68 819 détenus, pour une capacité totale de 58 561 places, soit un taux d'occupation de 117,5 %, contre une moyenne européenne de 91,7 %, selon le Conseil de l'Europe.
Le gouvernement entend régler le problème grâce à la construction de 10 000 à 14 600 cellules individuelles supplémentaires d'ici à 2025, ce à quoi s'ajoute le souhait de bâtir de 1 000 à 1 500 cellules doubles supplémentaires.
Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice et garde des Sceaux, souhaite notamment porter l'essentiel des efforts sur les maisons d'arrêt, qui accueillent l'essentiel des détenus de France, dont les délinquants et les prévenus en attente de leur procès. Dans ces établissements pénitentiaires, bondés (140 % de taux d'occupation), moins d'un détenu sur cinq a droit à sa propre cellule.
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Au 1er août, seulement 39 % des détenus dorment en cellule individuelle. Le ministre souhaite voir ce chiffre atteindre 80 % en 2023.
Le principe de l'encellulement individuel est inscrit dans le Code pénal depuis 1875, mais son application n'a eu de cesse d'être repoussée, faute pour l'État de se donner les moyens des ambitions légales fixées par les parlementaires. L'entrée en vigueur de cette obligation est actuellement reportée au 31 décembre 2019.
Pourtant, depuis 1990, la capacité du parc pénitentiaire français a crû de 60 %, soit 22 000 places supplémentaires en vingt-six ans. Des investissements qui n'ont cependant jamais réussi à endiguer le problème de la surpopulation carcérale.
En attendant, cette surpopulation n'est pas sans poser de réels problèmes, aussi bien aux détenus qu'au personnel carcéral. Elle est à l'origine de tensions qui ne font qu'envenimer le climat et les rapports entre les uns et les autres et ne permet pas le règlement d'autres difficultés.
Dans le but d'enrayer la surpopulation carcérale, plusieurs alternatives à la détention en prison ont vu le jour.
Ainsi, le placement sous surveillance électronique, introduit en 1997, permet de mettre sous écrou un individu sans le détenir au sein d'un établissement pénitentiaire. Il s'agit d'un aménagement de peine qui peut être décidé par le juge d'application des peines. En août dernier, 10 654 personnes étaient placées sous surveillance électronique.
En 2014, une autre peine en «milieu ouvert» a vu le jour : la contrainte pénale. Promulguée par la loi du 15 août 2014 défendue par Christiane Taubira, alors ministre de la justice, la contrainte pénale permet de poser des interdictions et des obligations à un condamné pendant une durée de six mois à cinq ans, si le délit commis est puni d'une peine maximale d'emprisonnement de cinq ans, assorti d'un suivi régulier et d'un contrôle annuel des obligations. Mais cette peine, qui vise notamment à responsabiliser le condamné et à limiter les probabilités de récidives, est encore peu utilisée.
Entre 2014 et 2015, 1 076 contraintes pénales ont été prononcées, ce à quoi s'ajoutent 736 contraintes prononcées au premier semestre 2016. Un protocole bien loin derrière les 122 805 peines d'emprisonnement ferme prononcées en 2014.
Si la justice n'a pas plus recours à ces peines de substitution, c'est que le politique veut coller au plus près du souhait de l'opinion publique qui pense, majoritairement, que la prison est la «seule et bonne» solution à infliger aux délinquants et criminels.
Les surveillants de prison ne sont pas assez nombreux pour faire face aux différentes missions qui leur incombent. Selon le ministère de la Justice, leur nombre était au 1er janvier 2016, de 27 115 pour 68 819 détenus.
Bien que salué par la profession, le recrutement de 2 500 agents l'an prochain «s'avère encore insuffisant» selon les syndicats.
Il faut savoir que le rôle d'un surveillant ne se limite pas à celui de «gardien». S'il est chargé d'assurer, de jour comme de nuit, la sécurité des personnes et des lieux, de déjouer d'éventuels projets d'évasion, il doit tout autant gérer les problématiques relationnelles et psychologiques pour éviter qu'une situation ne dégénère.
Le surveillant assure également d'autres missions diverses allant du portage de repas à l'inspection des cellules, en passant par l'ouverture et la fermeture des portes, l'encadrement des détenus lors de leurs déplacements dans la prison mais aussi leur accompagnement dans leurs démarches administratives et leur réinsertion.
Il a aussi depuis peu la charge d'accompagner les détenus au tribunal. Jusque-là, ces «extractions» incombaient aux policiers et gendarmes. Mais ce nouveau système d'escorte des détenus provisoires jusqu'au tribunal est confronté à de flagrants manques de moyens. Résultat, certains d'entre eux sont temporairement remis en liberté.
Depuis les attentats terroristes et la menace jihadiste qui pèse sur notre pays, la déradicalisation de détenus fait aussi partie de la mission des surveillants pénitentiaires. Si cinq prisons ont, pour l'heure, une Unité spécifique (Fresnes, Fleury-Mérogis, Osny et Lille-Annœullin) tous les établissements travaillent à endiguer ce fléau. Il s'agit pour eux de prendre en charge ces extrémistes religieux et de prévenir la radicalisation des autres détenus.
Les surveillants estiment ne pas avoir les moyens nécessaires pour effectuer ce travail dans de bonnes conditions. La plupart ne sont d'ailleurs pas encore formés à ce genre de «public». Pour l'heure, à l'exception des personnels plus rompus affectés aux Unités spécifiques, la quasi-totalité des surveillants ne font que du renseignement, c'est-à-dire qu'ils signalent à leur autorité les comportements qu'ils estiment «déviants».
En première ligne, ils sont de plus en plus des cibles pour ces radicalisés. Après son attentat à Magnanville (Yvelines) en juin, le terroriste Larossi Abballa s'était filmé en appelant à tuer, entre autres, des surveillants de prison. À Osny, le détenu Bilal Taghi est fortement soupçonné d'avoir répondu à cet appel en poignardant à deux reprises un des surveillants de l'unité dédiée.
Selon Jean-François Forget, secrétaire général du syndicat pénitentiaire l'Ufap-Unsa, «neuf projets de tentatives d'assassinats liés à la mouvance terroriste ont été déjoués dans des établissements, dans le Nord, en Normandie, en Lorraine ou en Paca». Parmi ceux-ci figure, outre Osny, la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault), où deux détenus ont été mis en examen.
De très nombreux établissements pénitentiaires sont dans un état de vétusté totale. Des milliers de cellules ne sont plus aux normes et sont insalubres. En 2013, Christine Taubira, alors ministre de la Justice, a lancé un plan de rénovation qui est toujours en cours.
À cela s'ajoute la présence de nuisibles, tels que les rats, cafards… qui constituent une menace directe pour la santé des détenus et des personnels.
Pas plus tard qu'hier, le tribunal administratif de Melun a examiné une requête de l'Observatoire international des prisons, qui demande des «mesures immédiates» pour endiguer «la présence massive de nuisibles», à la prison de Fresnes. Cette vétusté conjuguée à la surpopulation crée un climat propice aux mutineries.
La Dépêche
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