Le tribunal administratif de Lille a examiné ce jeudi matin la requête, en référé-liberté (procédure engagée lorsque les libertés fondamentales d’une personne sont menacées), déposée par un détenu de la maison d’arrêt de Sequedin. S. T., 35 ans, se plaint de la prolifération de rats.
Une procédure lancée dans le sillage de la décision prise par le tribunal administratif de Melun, condamnant la prison de Fresnes à lutter contre les nuisibles.
Encore une fois, S. T. n’a pas pu être extrait de la maison d’arrêt de Sequedin pour comparaître, ce jeudi à 10 heures, devant le tribunal administratif de Lille. Son avocat Me Olivier Cardon avait déjà demandé, mardi, le report de l’audience en raison de l’absence de son client.
Cette fois, il plaide, mais débute par une litanie de critiques contre l’administration pénitentiaire, qui a « tout fait pour empêcher Monsieur T. d’être présent ». « Monsieur T. est désolé de ne pas être présent à son audience, je crois que ça va créer quelques troubles dans la maison d’arrêt aujourd’hui, mais bon. »
Gros comme des petites bouteilles d’eau
Bref, son client, un détenu âgé de 35 ans, a déposé une requête en référé-liberté vendredi, avec dossier à l’appui. Me Cardon montre plusieurs photos de rats, certains gros comme des petites bouteilles d’eau, sur le sol de la cour de promenade, sur le rebord de la fenêtre d’une cellule, grimpant sur les grilles... S. T. est incarcéré à Sequedin depuis le 18 mai. Au début, il occupait une cellule du bâtiment B, et a été transféré au rez-de-chaussée du bâtiment A depuis dix jours, en raison des travaux de tuyauterie, contre les légionelles.
« Je vis au milieu de rats, des milliers de rats. Impossible d’ouvrir la fenêtre pour aérer, les rats entrent dans les canalisations ».
S. T., plaide Me Cardon, « ne peut pas prendre de douche. Il y a des rats morts au sol, susceptibles d’affecter la qualité de l’eau ». Un autre détenu a versé au dossier son témoignage écrit : « Je vis au milieu de rats, des milliers de rats. Impossible d’ouvrir la fenêtre pour aérer, les rats entrent dans les canalisations. En promenade ils passent entre nos jambes. »
Le bâtonnier Vincent Potié est venu apporter le soutien du barreau de Lille, et c’est exceptionnel. « C’est une requête qu’on aurait dû déposer depuis longtemps. Quel que soit son passé, son futur, c’est un homme, qui a le droit à des conditions de vie décentes. Régulièrement, à Lille, des avocats racontent «Tu sais pas, j’ai rencontré des rats à la maison d’arrêt de Sequedin.» Nos clients sont en pleurs, le personnel est révolté. Nous retournons au XVIIe siècle ! » Alors que Sequedin n’est ouverte que depuis 2005 (1898 pour Fresnes). Plus qu’une dératisation, la défense demande « une éradication forcée ».
Un problème lié aux repas ?
En réponse, le ministère de la Justice a produit un bon de commande, d’une entreprise de dératisation, qui intensifie ses passages depuis début 2016, et prévoit d’en faire encore plus dès la mi-octobre (une fois par semaine pendant six mois). « Ce que demande Monsieur T., c’est ce qu’on fait déjà. »
Les rats se nourrissent souvent des repas jetés par les fenêtres des cellules. « Pourquoi ne pas réfléchir à une autre alimentation des détenus ?, demande Me Cardon. C’est ce qui a été fait à Fresnes. » Ou de la viande halal jetée dans les colis. « Un surveillant et des détenus auxiliaires font un ramassage quotidien des déchets », réplique le ministère.
Et, puisque Me Cardon s’appuie sur la jurisprudence de Fresnes, l’avocate du ministère rétorque : « Ce n’est pas la même ampleur, en termes de nombre de nuisibles, ni de nature. » L’urgence est contestée puisque S. T. a mis cinq mois à formuler sa requête, et l’atteinte grave aux libertés fondamentales aussi ; pour le ministère, la présence de rats en cellule n’est pas établie. Le ministère demande le rejet de la requête. La décision sera rendue d’ici lundi 24 octobre.
La Voie du Nord
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