Alors que le gouvernement vient de lancer un nouveau plan de lutte contre la radicalisation, un plan qui veut favoriser des quartiers étanches dans des prisons pour les détenus radicalisés, France Inter s'est rendue en reportage à la prison de Lille-Annoeulin, pionnière depuis deux ans dans l'accueil de ces détenus.
Sous l'un d'eux, le quartier de prise en charge de la radicalisation, séparé de toutes les autres ailes du centre pénitentiaire de Lille-Annoeulin.
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Ce centre a ouvert en 2011. Depuis 2016, il accueille des détenus radicalisés, considérés comme étant les plus violents pour certains, ou en tout cas les moins volontaires, au début, pour faire un travail de désengagement de la violence. Mais au fil des mois, le travail a positivement évolué. Et l'équipe pluridisciplinaire qui suit ces détenus et fait un bilan d'étape hebdomadaire, estime que les résultats de cette prise en charge sont extrêmement encourageants.
"On participe à notre façon, à la lutte antiterroriste" dit un surveillant qui a volontairement choisi de travailler avec ces détenus qui effrayent tant l'opinion publique.
"On créée un lien de confiance pour essayer de les connaître un peu plus", raconte ce surveillant, qui les accompagne depuis deux ans. Au début, il reconnaît que lui et ses collègues ont pu être traités de "mécréants", mais que ce n'est plus le cas. "On est dans leur quotidien, ils ont besoin de nous, quand on leur ouvre les portes pour aller en promenade, ou pour qu'ils aillent à la cabine téléphonique. Et c'est maintenant exceptionnel qu'ils nous insultent".
Pas d'insulte. Peu de rébellion apparente. La petite vingtaine de détenus radicalisés qui occupent en ce moment ce QPR de Lille-Annoeulin (quartier de prise en charge de la radicalisation), est "lisse", selon un surveillant. Ils ne font pas non plus de prosélytisme religieux. Ils ont tous partagé, ou partagent encore, la même idéologie, l'islam radical. Et c'est sur la radicalité, que l'administration pénitentiaire cherche à les faire évoluer.
"Il n'est pas question de les empêcher de vivre leur foi, leur islam", insiste la directrice de ce centre pénitentiaire de Lille-Annoeulin, Aurélie Leclercq.
Ce travail de désengagement de la violence -le terme de déradicalisation est depuis longtemps banni par les spécialistes- se fait donc depuis deux ans avec des surveillants volontaires, et formés, mais aussi avec des éducateurs, des psychologues, des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, des imams.
Il y a des ateliers collectifs divers et variés - pâtisserie, ciné-débat, photo-langage, des ateliers qui peuvent "faire bouger les lignes, faire levier", explique une psychologue. Par exemple lors d'un travail qui a pu s'engager sur des images qui représentent la violence, et d'autres qui représentent la paix.
Tintin ou Rimbaud dans la bibliothèque
Ces détenus particulièrement surveillés ont aussi une bibliothèque (où se trouvent en vrac des Tintin et des Lucky Luke, des poèmes de Rimbaud ou un livre de Régis Debray sur le port du voile). A côté de la bibliothèque, la salle de musculation, qui affichait complet hier après-midi. "Ils ont besoin de se défouler", commente un surveillant.
Dans ce quartier de prise en charge de la radicalisation, il y a les mêmes activités que dans le reste de la détention, mais le quartier est 100 % étanche.
À Lille-Annoeulin, ces détenus radicalisés (la majorité sont prévenus dans des affaires de terrorisme, quelques autres ont déjà été condamnés, de retour de Syrie) restent groupés. Isolés des autres ailes de la prison. Entre eux. Et cette formule inaugurée pour la première fois à Fresnes fin 2014, avant de faire débat et d'être abandonnée après une première agression terroriste contre un surveillant à Osny en 2016, va finalement être étendue dans d'autres prisons.
Le QPR de Lille-Annoeulin va d'abord être dupliqué dans les prochains mois dans les prisons de Vendin-le-Vieil et Condé-sur-Sarthe, puis peu à peu, 1 500 détenus radicalisés seront ainsi regroupés dans d'autres quartiers étanches, après avoir été "évalués" dans des QER, les quartiers d'évaluation de la radicalisation.
Dans le QPR de Lille-Annoeulin, les murs qui encerclent la très petite cour de promenade mesurent 11 mètres de haut, alors qu'il n'y a que des grillages dans le reste de la prison...
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