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samedi 23 novembre 2013

Cinq ans de prison pour les deux preneurs d’otage d'Ensisheim

Deux détenus marseillais étaient jugés hier à Colmar pour avoir séquestré un surveillant de la centrale d’Ensisheim durant 15 heures, en janvier 2010.
 
Ils exigeaient un changement de lieu de détention ; ils ont finalement prolongé leur séjour en prison de 60 mois supplémentaires. Sauveur di Rosa, 50 ans, et « son fils » Saïd El Ayat, 34 ans, se connaissent depuis de nombreuses années et lorsque les deux compères marseillais se retrouvent ensemble à Ensisheim, le destin d’Olivier Schell, un surveillant promu dans le Haut-Rhin, bascule. Durant 15 heures, dans la nuit du 6 au 7 janvier 2010, il est séquestré dans la cellule de Di Rosa. D’abord maintenu au sol avec un bout de miroir brisé au-dessus de l’œil, puis menotté avec ses propres bracelets, menacé de mort à plusieurs reprises et tenu en respect avec son propre Laguiole de service, le gardien du 2e étage de la centrale subit un véritable calvaire, dont il ne s’est toujours pas remis.

Cette longue nuit s’achève par la reddition d’El Ayat, puis de Di Rosa le lendemain matin, après que le vice-procureur du TGI de Colmar a promis par écrit une nouvelle affectation.

« Il a passé un bon moment »

Dans la salle d’audience du TGI à Colmar, une dizaine de militaires sur le qui-vive encadrent les portes, les fenêtres et les deux prévenus au casier judiciaire digne d’un film de gangsters « Je ne lui ai pas fait de mal ; je voulais juste partir de cette prison… Il a passé un bon moment », chante Di Rosa avec son accent marseillais. La présidente, Pascale Dorion, s’étrangle : « Vous vous rendez compte que vous pouvez faire peur ? » Et Di Rosa de renvoyer la magistrate à son casier judiciaire qui n’est entaché d’aucune goutte de sang, dit-il. El Ayat, moins véhément à la barre, se défend en affirmant que le surveillant « n’a jamais eu le couteau sous la gorge, jamais ».

Olivier Schell est dans la salle avec sa famille et raconte « une situation en dents de scie », qui se délite quand le duo fume des joints. « Au début, je ne me voyais pas sortir vivant de cette cellule. » L’otage trouve en El Ayat « un allié », Di Rosa se trouvant dans un « état second. Comment allait-il réagir ? Je n’avais qu’une seule chose en tête : pouvoir m’en sortir. »

Préméditation ?

Sauveur Di Rosa insiste sur son propre comportement : « J’ai été correct avec lui, mais je n’aime pas qu’il mente. »

Le ministère public représenté par Aline Klein requiert six ans de prison. Elle suppute qu’il y a eu « une concertation évidente », « un guet-apens », bref « une préméditation des faits. Les deux ont agi de concert dans une grande détermination. »

Les plaidoiries de Me Rebmann, conseil d’El Ayat, et Me Wurth, avocate de Di Rosa, mettent sur la table les « conditions de détention » à Ensisheim, « une prison vétuste » avec des « détenus difficiles » où il serait fait « usage de diverses brimades. Non, il n’y a pas eu de concertation, ce n’était pas élaboré du tout… »

« Un être humain »

Et Me Wurth de rappeler, prudemment tout de même, qu’il s’agit aussi « d’un problème sociétal [les conditions de détention et l’éloignement des détenus de leur famille] que vous avez à trancher aujourd’hui. Bien sûr, mon client n’est pas un enfant de cœur ! Il n’a pas passé plus de six ans de sa vie hors de détention, mais il reste un être humain. »

Le tribunal a tranché après trois heures d’audience : cinq ans de prison pour Di Rosa et El Ayat, désormais libérables en 2028 pour le premier, en 2024 pour le second.
L'Alsace

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