C'est une affaire pour le moins singulière, voire rocambolesque, mais aussi déconcertante car elle suscite beaucoup de questions embarrassantes au sein même des plus hautes instances de l'administration judiciaire.
Nos confrères d'Aujourd'hui en France ont, dans leur édition d'hier, ouvert en grand les colonnes de leur journal à cette affaire. Leur article évoque, avec détails et documents à l'appui, la correspondance épistolaire qu'un haut fonctionnaire de l'administration judiciaire, à savoir le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Ile-de-France, aurait adressée, durant trois ans, de janvier 2011 à janvier 2014, à un détenu corse, Joseph Menconi, lié, pour les services d'enquête, au grand banditisme.
Une correspondance pour le moins étonnante.
Le haut fonctionnaire aurait envoyé plusieurs « cartes de vœux » (!) à ce prisonnier qui a été condamné pour meurtre, braquage d'un fourgon de transport de fonds et évasions, et qui est, pour la police, proche du gang de la Brise de Mer. Et qui est actuellement incarcéré au centre de détention de Rennes-Vezin en Ille-et-Vilaine.
"Bonne année en espérant qu'elle soit celle de la libération"
Selon nos confrères parisiens, la première carte de vœux du haut fonctionnaire a été envoyée le 14 janvier 2011 à Joseph Menconi qui était à ce moment-là détenu à la centrale de Lannemezan dans les Hautes-Pyrénées. Et elle « témoigne déjà d'une proximité certaine entre les deux » hommes, écrit notre confrère Thibault Baisse en citant le contenu de la carte: « J'espère que les choses avancent pour vous en ce qui concerne la préparation d'une libération conditionnelle ».
L'auteur de la carte ajoute qu'il est « prêt à renouveler une attestation s'il le fallait. » Une nouvelle carte est expédiée l'année suivante. Sur celle-ci, le haut fonctionnaire dit s'occuper du transfert de Joseph Menconi qui se trouve toujours à Lannemezan et donc loin du territoire où il officie.
Mais courant 2012, le détenu est transféré à la centrale de Poissy dans les Yvelines, et donc, cette fois-ci, dans sa sphère de compétences.
« Lors des vœux de 2013, le ton se fait toujours aussi chaleureux, note l'article d'Aujourd'hui en France. « Bonne année 2013 à vous en espérant que ce soit celle de la libération », écrit le directeur, cette fois, sans s'étendre davantage.
La dernière carte envoyée le 13 janvier dernier est d'une tonalité similaire mais plus intime et bienveillante encore : « J'espère que l'année 2014 sera celle de votre libération et que vous pourrez retrouver votre femme et votre enfant. Je vous le souhaite très sincèrement. »
Un code de procédure pénale très clair
Une telle proximité suscite des interrogations. Y aura-t-il des conséquences judiciaires étant donné, rappelle Aujourd'hui en France, que le code de procédure pénale « interdit au personnel des prisons « d'entretenir avec les personnes placées ou ayant été placées » sous leur autorité « des relations qui ne seraient pas justifiées par les nécessités de leur fonction. »
Selon Aujourd'hui en France, Joseph Menconi aurait, comme la loi l'y autorise, déposé une demande de libération conditionnelle en début d'année.
On ne sait pas si le directeur interrégional des services pénitentiaires d'Île de France a appuyé cette demande. Ni pourquoi, le détenu corse est aujourd'hui incarcéré en Bretagne, loin donc de l'Ile-de-France. S'agit-il d'une mesure d'éloignement après la découverte de ces courriers ? Une question de plus à propos de cette bien étrange affaire.
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