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mercredi 16 septembre 2015

Les prisons françaises sous tension

Surpopulation carcérale, violences et manque d’effectifs: tous les «ingrédients de la crise» sont réunis pour les principaux syndicats de surveillants de prison qui menacent de lancer un mouvement social d’ampleur s’ils ne sont «pas entendus».
 
Une évasion lors d’un transfert aux urgences en région parisienne, une prise d’otage dans un quartier d’isolement dans le Nord en une semaine: le diagnostic est clair pour les principales organisations syndicales — Ufap-Unsa, FO et la CGT — : la prison «va craquer».

Les syndicats de surveillants ont créé une plateforme commune de revendications et pourraient être rejoints par des directeurs d’établissements «au bord de l’implosion».

Pourtant, rien de vraiment nouveau : les prisons sont surpeuplées — 66.121 détenus pour 57.775 places disponibles au 1er août, un chiffre stable -, les personnels fatigués et en sous-effectif.
«C’est vrai, mais à remplir le vase, il déborde», résume Christopher Dorangeville, de la CGT-Pénitentiaire. «Cela fait des années que la situation se dégrade et qu’on tire la sonnette d’alarme. Mais là, il nous manque au bas mot 1.200 surveillants quand l’administration pénitentiaire ne nous en propose que 450. On n’arrive plus à assumer nos missions».

«Concrètement, cela veut dire qu’on sera trois au lieu de quatre pour une extraction de détenu par exemple. L’an dernier, on a eu 18 évasions. Il y a dix ans, il n’y en avait pas», explique Jean-François Forget, secrétaire général Ufap-Unsa, premier syndicat pénitentiaire.

«Pourquoi ? Parce qu’on n’est pas assez nombreux, que les heures supplémentaires explosent et qu’on est sous pression pour les réduire. On finit par mettre en danger les personnels», affirme-t-il.

Deux sons de cloche

Une vision contestée par l’administration pénitentiaire, qui ne nie pas les difficultés de ses personnels, «depuis plusieurs années dans une période particulièrement difficile en terme d’effectifs», mais rappelle les efforts en cours et appelle au dialogue.

«D’ici la fin 2016, nous aurons recruté 1.200 surveillants. Les 450 premiers arrivent en novembre. Les quelques 800 personnes de la prochaine promotion de L’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire (Enap) arriveront à la fin du printemps. Il faut bien le temps de les former», explique-t-on.

Les difficultés sont là. Les évasions sont bien en hausse, avec 25 en 2014 contre à peine quatre en 2011, mais les agressions n’ont pas augmenté : 4.122 en 2014 contre 4.403 deux ans plus tôt. Quant aux heures supplémentaires, «il n’est pas question de les supprimer mais de les maîtriser», souligne l’institution.

Si les surveillants et directeurs s’apprêtent à engager un mouvement d’ampleur nationale, c’est aussi qu’ils ne se sentent «pas écoutés», «ont vu leurs missions démultipliées», explique le syndicat des directeurs des services pénitentiaires FO, qui appelle au recrutement supplémentaire de 103 personnels de direction.

Parmi ces «nouvelles missions», les extractions judiciaires sont unanimement dénoncées comme une «mission impossible», dévoreuses d’hommes et de temps.

«On n’y arrive pas. Il nous manque déjà plus d’un millier de personnels et il en faudrait autant pour assumer ces missions qui étaient du ressort de la police et de la gendarmerie», affirme Christopher Dorangeville.

Le ministère de l’Intérieur avait chiffré à environ 1.200 le nombre d’effectifs affectés à ces missions d’extraction, confirme un responsable de la gendarmerie.

Le transfert de ces missions à la pénitentiaire a débuté progressivement, avec le basculement de plusieurs régions, comme l’Alsace ou l’Aquitaine entre 2011 et 2013, et doit se poursuivre jusqu’en 2019. «Dans les régions où il y a eu transfert, certaines missions ne sont plus assurées et parfois les magistrats se retournent vers les forces de l’ordre pour obtenir les transferts et éviter l’engorgement», reconnaît ce responsable.

Les syndicats voudraient pouvoir remettre à plat plusieurs mesures ou réformes «imposées sans concertation» : «c’est valable pour les extractions mais aussi pour la déradicalisation; on veut généraliser les quartiers séparés pour les détenus radicaux, mais on n’a pas assez de recul sur la seule expérience menée, à Fresnes», déplore M. Dorangeville.

L’Administration pénitentiaire, réaffirmant son ouverture au dialogue, a invité les syndicats à une nouvelle réunion la semaine prochaine.

www.lest-eclair.fr

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