Un détenu de Béziers qui s'est filmé en direct de sa cellule, via l'application Periscope de son téléphone, a écopé de six mois de prison supplémentaire. Pourtant, il n'est pas rare de trouver des téléphones portables en prison.
Arthur, journaliste et ancien surveillant pénitentier, assure même qu'il y en a autant que de prisonniers.
En 2009, Arthur passe le concours de surveillant pénitentiaire avec pour objectif d'écrire un livre sur la réalité des prisons en se mettant Dans la peau d'un maton (nom du livre issu de son expérience, NDLR).
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Au cours des mois qu'il passe dans les maisons d'arrêt de Fleury-Mérogis, d'Orléans et au centre de détention de Châteaudun, il constate que les détenus possèdent tous, ou presque, un téléphone portable.
Quelle place ont les téléphones portables au sein des prisons françaises?
Officiellement, ils sont interdits, mais en réalité, ils sont omniprésents. Il y a quasiment un portable par détenu. Certains en possèdent même plusieurs tandis que d'autres font office de "mules": ils gardent les portables des autres cachés dans leur cellule, en échange de protection.
Les téléphones servent essentiellement à appeler la famille et les amis. Mais aujourd'hui, avec les smartphones, ils vont aussi beaucoup sur Facebook -ce qui n'était pas le cas à l'époque où j'étais surveillants, car ce type de téléphone n'était pas aussi répandu. Les réseaux sociaux permettent encore plus de maintenir les liens avec l'extérieur. Il n'est pas rare de voir des profils Facebook de détenus qui montrent les conditions de détention.
Comment les portables entrent-ils dans les prisons?
La plupart des téléphones entrent par le parloir: ils sont amenés par la famille.
Certains modèles sont privilégiés pour leur composition, car ils ne sonnent pas aux portiques de sécurité. Beaucoup entrent aussi grâce à la corruption des surveillants -ce à quoi je n'ai jamais été confronté directement, mais de nombreux témoignages vont dans ce sens. Enfin, comme l'argent ou la drogue, certains téléphones sont projetés au-dessus du mur du centre par des complices et atterrissent dans la cour de promenade.
Les surveillants sont au courant de ces techniques
S'ils en trouvent un, ils le signalent et le détenu est convoqué par le chef d'établissement qui peut alors les sanctionner avec du "mitard" (isolement, NDLR), ce qui est plutôt rare. C'est très hypocrite, mais les surveillants ne vont pas en permanence faire la chasse aux portables: ils savent que c'est sans fin, comme pour le cannabis.
Si la tolérance est telle que vous la décrivez, comment peut-on expliquer la sanction -par six mois de prison supplémentaires- du détenu apparu sur Periscope?
Ce "scandale" n'est pas une première. La seule nouveauté est que la vidéo a été diffusée en direct et que le détenu n'a pas eu la présence d'esprit de se cacher le visage.
Déjà en 2013, des détenus avaient fait du bruit avec leur reprise du Harlem Shake, au sein de leurs établissements d'Osny (Val-d'Oise) et de Montmédy (Meuse).
Ce ne sont pas des exemples isolés.
Le détenu que l'on a vu sur Periscope a pris six mois, c'est beaucoup. Il a probablement été plus sanctionné que les autres, car sa vidéo a été largement médiatisée.
Puisque l'utilisation des téléphones est très répandue, pourquoi ne pas les autoriser -tel que le proposait en 2014 la contrôleuse des prisons, Adeline Hazan?
A terme, nous y viendrons et c'est plutôt une bonne chose. Aujourd'hui, l'administration pénitentiaire les interdit pour des raisons de sécurité: éviter que les détenus ne préparent une évasion ou qu'ils continuent d'orchestrer leur business derrière les barreaux... Mais a aussi conscience que les portables servent majoritairement à appeler les familles.
Il existe déjà des cabines téléphoniques dans les prisons
Les numéros sont approuvés par un juge et limités aux épouses et aux membres de la famille. Le problème, c'est qu'il n'y en a pas suffisamment. Lorsque j'étais à Orléans, c'était un casse-tête sans fin pour les surveillants.
Il y avait la queue en permanence car le centre ne possédait que six cabines pour 100 détenus. Ce manque de moyens est une véritable source de tension entre matons et prisonniers. Certains jours, ils étaient vingt à vouloir téléphoner mais seulement cinq à y avoir effectivement accédé à la fin de la journée.
Avant Adeline Hazan, le contrôleur des prisons Jean-Marie Delarue s'était déjà prononcé en faveur de l'autorisation des portables, qui constituerait un facteur considérable d'apaisement de la détention
L'express
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