jeudi 19 juin 2014

Le Sénat détricote la réforme pénale

Examiné en commission des lois, le texte de Christiane Taubira a subi des amendements qui le modifient profondément.
Soutien pour les jurés d'assises : Taubira a lancé une étude d'impact

"C'est la porte ouverte à du grand n'importe quoi". Après le passage de la réforme pénale en commission des lois du Sénat, l'Union syndicale des magistrats s'inquiète de la tournure que prend le texte. Pour Christophe Régnard, son président, invité jeudi matin d'Europe 1, il est "l'exact contraire de ce qui nous semble nécessaire". Mais qu'ont changé les sénateurs ?

La contrainte pénale obligatoire. C'est la mesure phare de la réforme de Christiane Taubira, qui crée une nouvelle peine sans emprisonnement. Mais là où la Garde des Sceaux proposait que la contrainte pénale soit une alternative à la prison, un des amendements votés mercredi en fait la peine principale pour une série de délits. Sont ainsi concernés les faits pour lesquels de courtes peines d'emprisonnement sont actuellement encourues et n'impliquant pas de violences aux personnes, comme le vol simple, la conduite sous l'empire de l'alcool, ou l'usage de stupéfiants.

En outre, la commission a prévu que le non-respect par le condamné des obligations résultant d'une contrainte pénale serait un délit autonome, puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende.

Les magistrats de l'USM indignés. Ces amendements sont aberrants pour Christophe Régnard. Le système proposé par la ministre de la Justice "avait un certain nombre d'avantages : il était souple et surtout il était adossé à la prison, c'est-à-dire que si la personne ne respectait pas ses obligations, le juge pouvait révoquer la mesure et l'intéressé allait en prison", a-t-il analysé sur Europe 1. Mais avec les modifications du Sénat, "pour certains types d'infractions, on ne pourra plus prononcer du tout la prison à titre principal. La seule peine possible sera la contrainte pénale ou l'amende, y compris si ce sont des récidivistes. Et si la mesure n'est pas respectée, ce n'est plus le juge qui pourra la révoquer puisque ce sera une nouvelle commission d'une autre infraction donc, il faudra une nouvelle enquête de la police, un nouveau jugement par un tribunal correctionnel et éventuellement à ce moment-là une peine de prison", a-t-il énuméré.
 
"C'est la même logique que les peines plancher, mais en sens inverse. Avec les peines plancher, on nous disait 'vous êtes trop laxistes, on va vous forcer à prononcer des peines de prison'. Aujourd'hui, on nous dit 'vous êtes trop répressifs, on va vous forcer à prononcer des peines en milieu ouvert'", a encore regretté Christophe Régnard. "Il faut nous laisser adapter les peines. L'individualisation de la peine va dans les deux sens. Parfois la prison est nécessaire, parfois le milieu ouvert est nécessaire".
La guerre entre Beauvau et Vendôme relancée ? En plus de la contrainte pénale, les sénateurs ont également toiletté l'aménagement des peines, pomme de discorde à l'automne dernier entre Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, et Christiane Taubira. Valls avait ainsi obtenu que les aménagements de peine soient réservés aux personnes condamnées à des peines de moins d'un an (six mois mois pour les récidivistes). La commission des lois du Sénat est revenue sur cette concession en maintenant le seuil à deux ans.

Des changements encore possibles. Après le vote de mercredi au Sénat, le projet de loi, déjà adopté à l'Assemblée nationale, sera discuté en commission mixte paritaire où des arbitrages sont encore possibles. Puis en procédure accélérée (une lecture par chambre) à partir du 24 juin.

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