vendredi 12 février 2016

Marseille : la guerre des "lames" fait rage aux Baumettes

En 2015, une cinquantaine d’agressions à l’arme blanche a été enregistrée. Encore hier matin, un détenu de 23 ans a été gravement blessé
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C'est un monde impitoyable où les rancoeurs nourries hors les murs, parfois les haines, ne sont que décuplées par la proximité. Un monde où l'on rafale, parfois sur commande - à coups de couteau, de tessons de bouteille ou de poinçons fabriqués artisanalement - un ennemi à la première occasion.

"Avant, la prison constituait une sorte de trêve dans les conflits, mais c'est fini. Pour autant, je pense que dans la majorité des cas, ils s'arment pour se défendre", assure Philippe Peyron, le directeur interrégional de la pénitentiaire. Il faut dire qu'aux Baumettes, les menaces sont rarement proférées en l'air.

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Hier matin encore, un détenu de 23 ans, incarcéré depuis à peine une semaine, a été "planté" dans les douches du bâtiment B. Il a été hospitalisé dans un état grave, mais pas vital. Fin janvier, c'est la Police judiciaire qui a fait un passage remarqué en embarquant 13 détenus, dont trois seront au final mis en examen pour une tentative de meurtre. Six semaines plus tôt, au coeur de la guerre que se livrent deux clans, "les Comoriens" et les "Gitans" du 13e arrondissement - qui aurait laissé sur le carreau nombre de victimes en cette fin d'année lors de règlements de comptes à travers la ville -, un homme de 35 ans était sauvagement poignardé dans la cour de promenade de huit coups de couteau. Un miracle viendra le sauver. Fin 2014, un détenu d'à peine 21 ans avait été quasiment éviscéré dans les douches...

"Avant, la prison constituait une sorte de trêve dans les conflits, mais c’est fini"

Selon nos informations, rien qu'en 2015, le groupe "Baumettes", constitué de six enquêteurs dédiés au sein de la division des quartiers Sud, aurait traité une cinquantaine d'affaires d'agressions à l'arme blanche. "C'est évidemment une préoccupation. On fait ce qu'il faut pour se renseigner sur leur pedigree avant l'attribution des cellules, afin de ne pas jeter certains dans la gueule du loup", jure Philippe Peyron. "Ce sont des enquêtes compliquées car souvent ils créent un 'moulon' avant d'attaquer leur cible afin qu'il soit difficile de voir sur les images vidéo qui a poignardé, explique un enquêteur averti. Et même quand on récupère les couteaux, il est complexe d'isoler un ADN puisque l'arme passe de main en main". C'est principalement par la voie des airs, via des projections dans la cour du bâtiment D, que ces armes entrent par dizaines et viennent aiguiser la soif de vengeance. "Il y a un mois, on a trouvé 17 couteaux dans la cour (voir notre photo en médaillon), dans certaines cellules et dans la zone neutre (ce couloir entre la façade de la prison et la cour, Ndlr), juste après que le mirador a prévenu que des complices approchaient pour balancer des petits colis, souvent enroulés dans des éponges, et des bouteilles bien scotchées avec le surnom du destinataire écrit dessus", détaille Cyril Antolin, du Syndicat pénitentiaire des surveillants (SPS).

Si les détenus passent tous par le portique de détection des masses métalliques après chaque promenade, "on les fouille aussi intégralement quand on sait qu'il y a eu une projection. Le problème, c'est qu'ils les font remonter rapidement dans des cellules par un système de cordages. Ensuite, ils peuvent les transporter dans leur caleçon et les passer, dans des zones où ils se croisent, à des copains qui sont dans d'autres bâtiments". Le syndicaliste demande la mise en place d'un immense filet anti-projection et la création, au niveau national, d'une police pénitentiaire, "pour pouvoir interpeller les projeteurs aux abords de la prison, chose que l'on n'a pas le droit de faire actuellement".

Récemment, la direction interrégion a réagi en rendant notamment aléatoires les heures de promenades et en ajoutant plusieurs caméras dans les cours. "Nous aurons également très bientôt une grosse clôture de barbelés pour limiter l'accès à ce côté de la prison", promet Philippe Peyron, déplorant "une surpopulation de 137 %, soit environ 600 détenus de trop, ce qui forcément multiplie les tensions..."

La Provence

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