jeudi 17 mars 2016

Deux détenus radicalisés condamnés à Grasse

L'un détenait des milliers de fichiers, au contenu parfois insoutenable. L'autre exerçait son emprise sur un ancien codétenu. Tous deux ont écopé de deux ans de prison ferme.

terrorisme

Ils séjournent dans la même prison. Ils ont comparu à la même audience. Et ils ont écopé de la même sanction : deux ans de prison ferme.

Deux détenus de la maison d'arrêt de Grasse, identifiés comme radicalisés, ont dû s'expliquer devant le tribunal correctionnel ce lundi. Tofic Youssef, Varois de 25 ans, et Tahar Ben Makri, Marseillais de 32 ans, se sont tous deux distingués par l'usage de matériel électronique introduit en prison. Un matériel utilisé à des fins pour le moins inquiétantes.

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Tofic Youssef, six condamnations au compteur, séjournait en prison pour vol avec violences et séquestration. Écroué à Grasse en novembre 2014, il est surpris en septembre 2015 en possession de deux clés USB et d'une carte SD, recelant des milliers de fichiers audio ou vidéo de propagande djihadiste. Scènes de torture, de décapitation, y compris de mineurs... Leur contenu s'avère parfois insoutenable.

Les enquêteurs antiterroristes de la DGSI, de la SDAT et la PJ de Nice examinent le matériel et le profil de leur propriétaire. Comment s'est-il procuré cet arsenal propagandiste? L'a-t-il partagé auprès d'autres détenus? Et surtout, quelles sont ses convictions profondes? Ces questions resteront en suspens à l'issue de l'audience. Youssef, lui, assure d'être radicalisé par opportunisme, non par conviction. Son argument: « Quand on est radicalisé, on est tranquille en prison... »

Difficile de faire la part des choses. L'intéressé, défendu par Me Nathalie Ghella, était bel et bien dans le viseur de l'administration pénitentiaire, mais semble enclin à fanfaronner. Il assurait ainsi flanquer des gifles à Mehdi Nemmouche, futur tueur du musée juif de Bruxelles, qu'il a qualifié de «branleur»... Mais qu'il n'a, en réalité, jamais croisé en prison.

À défaut de pouvoir établir l'apologie du terrorisme, le tribunal présidé par Marc Joando l'a condamné pour recel.

Lavage de cerveau

Il lui a infligé deux ans ferme, conformément aux réquisitions du procureur Julien Pronier.
Autre prévenu, autre profil, autre forme de radicalisation. Tahar Ben Makri, huit condamnations dont une pour association de malfaiteurs, détenait deux clés USB et un téléphone portable.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il en a eu un usage assidu. Du 18 novembre 2015 au 18 janvier dernier, les policiers ont établi près de... 1.400 appels passés à un ancien codétenu.
La cible était bien choisie. Cet homme en semi-liberté, au profil psychologique fragile, a subi une véritable emprise psychologique. Ben Makri le harcelait pour l'enjoindre à se convertir à l'islam, à en cultiver une pratique fondamentaliste, et même à se faire désenvoûter auprès d'un imam de Cagnes-sur-Mer. «Il est comme mon frère. Je veux l'aider, je ne veux pas qu'il se radicalise», a pourtant assuré Ben Makri.

Le procureur et le tribunal ont néanmoins sanctionné une pratique ressemblant fort à un lavage de cerveau en règle. Deux ans ferme, donc, pour des appels malveillants réitérés et pour recel.
L'intéressé devrait interjeter appel, a indiqué son avocat Me Frédéric Coffano. Les clés USB saisies dans sa cellule contenaient des prêches exprimant une vision rétrograde de la place de la femme. Reflet d'un phénomène de radicalisation insidieuse, qui se joue derrière les murs de la prison grassoise... Et résonne jusqu'au tribunal. Lundi, en pleine audience, un téléphone s'est mis à sonner dans la salle au son de «Allahou Akbar».

Une vingtaine de détenus sous surveillance renforcée

«Chaque semaine, des téléphones, cartes SD et autres objets sont saisis à la maison d'arrêt de Grasse. C'est extrêmement banal », constate le procureur adjoint de la République, Philippe Toccanier. Chaque saisie donne lieu à une exploitation des fichiers, elle-même pouvant déboucher sur une procédure disciplinaire, voire une enquête pénale. « A fortiori quand on a affaire à des contenus radicalisés...», précise le procureur. Dans ce cas, c'est la PJ qui se penche sur le matériel.
Les cas de radicalisation ne sont pas rares à la maison d'arrêt de Grasse, où transitent des détenus de tous horizons. Le plus célèbre exemple est Mehdi Nemmouche, qui y a séjourné à la suite d'un vol à main armée.

L'an dernier, une demi-douzaine de détenus radicalisés a été condamnée dans la cité des parfums. Selon Philippe Toccanier, une vingtaine d'individus fait actuellement l'objet d'une surveillance toute particulière parmi les 850 détenus.

L'administration pénitentiaire craint trois scénarios : le prosélytisme dans l'enceinte de la prison, le prosélytisme par-delà les murs, et l'association de malfaiteurs en vue de commettre un projet terroriste. Dans ce troisième cas de figure, c'est la section antiterroriste du parquet de Paris qui se saisit de l'affaire.

Nice Matin

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