vendredi 25 mars 2016

La perpétuité effective, rarement prononcée mais déjà possible

La loi française prévoit une peine de sûreté «illimitée» pour les criminels jugés les plus dangereux, même si des aménagements sont possibles après trente ans de détention.

Alors qu’une partie de la droite remet sur la table le débat autour de l’enfermement à vie, décryptage de ce que prévoit déjà le droit.

La «perpétuité réelle» existe-t-elle déjà ?

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Cette peine a été instituée par deux articles de la loi du 1er février 1994, sous le gouvernement Balladur.

Elle permet à une cour d’assises de prononcer une période de sûreté de trente ans, voire illimitée, dans les cas de meurtre ou d’assassinat de mineur de moins de 15 ans, précédé ou accompagné d’un viol, de tortures ou d’actes de barbarie.

On parle alors de perpétuité incompressible. Depuis 2011, elle peut aussi s’appliquer aux cas d’assassinat commis sur un magistrat, un policier, un gendarme, un membre de la pénitentiaire ou sur toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, dans l’exercice de ses fonctions.

Cette peine est-elle souvent prononcée ?

Reconnu coupable du meurtre, en novembre 2011 à Bellegarde, d’Océane, 8 ans, Nicolas Blondiau, 27 ans, a été condamné en décembre 2013 par la cour d’assises du Gard à la réclusion criminelle à perpétuité incompressible (confirmée en appel en janvier 2015). Soit la peine la plus lourde du code pénal, jusque-là réservée à des récidivistes.

Il ne pourra donc faire une demande d’aménagement de sa peine qu’au bout de trente ans d’emprisonnement. Avant le cas Blondiau, cette «perpétuité réelle» avait été prononcée à trois reprises, notamment à l’encontre de Michel Fourniret et de Pierre Bodein («Pierrot le fou»).

Qu’est-ce qu’une période de sûreté ?

C’est la période durant laquelle le condamné ne peut bénéficier d’aucun aménagement de peine, placement à l’extérieur, permission de sortie, semi-liberté ou libération conditionnelle. Quand la condamnation est supérieure ou égale à dix ans de prison ferme, la période de sûreté dure la moitié de la peine, dix-huit ans dans le cadre de la réclusion criminelle à perpétuité et peut être portée à vingt-deux ans pour les récidivistes ou les crimes les plus graves.

 Les jurés de la cour d’assises en ont décidé ainsi pour Tony Meilhon, l’auteur du meurtre de Laetitia Perrais. Dans le cadre de la perpétuité réelle, la période de sûreté est dite «illimitée».

La sûreté en perpétuité réelle peut-elle être réduite ?

Le code de procédure pénale prévoit qu’un tribunal d’application des peines puisse, à titre exceptionnel, mettre fin à cette période de sûreté ou la réduire. Au bout de trente ans, le détenu peut demander le réexamen de son dossier.

Dans ce cas, trois experts médicaux doivent se prononcer sur sa dangerosité. Puis c’est à une seconde commission (cinq magistrats de la Cour de cassation) de décider de lever ou non le caractère «incompressible» de la sanction. A l’inverse, si la dangerosité du condamné est confirmée, il peut être placé dans un centre fermé pour une durée indéterminée. Cette possibilité a été instaurée par la loi Dati de 2008 sur la rétention de sûreté. Une énième inflation législative témoignant d’une défiance à l’égard des juges.

Mais il n’y a pas besoin d’être violeur et tueur d’enfant ou terroriste (lire ci-contre) pour passer plus de trente ans en prison : ainsi, le détenu martiniquais Pierre-Just Marny s’est pendu en 2011 après quarante-huit ans derrière les barreaux (il avait échappé à la peine capitale) et de multiples refus de libération. Philippe El Shennawy est, lui, resté enfermé trente-huit ans pour un braquage (sans mort d’homme) en 1975, avant d’être gracié en 2013. Quant à «Pierrot le fou», il pourra demander un relèvement de sa peine en 2034, à l’âge de 87 ans.

Quel cadre la CEDH fixe-t-elle ?

La procédure pénale française ne contrevient pas à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)...

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