vendredi 17 août 2018

Vague de suicides à Fleury-Mérogis : la contrôleure des prisons pointe "la surpopulation carcérale"

Dix hommes et une femme, détenus à la prison de Fleury-Mérogis, ont mis fin à leurs jours au cours des huit derniers mois. 

Vague de suicides à Fleury-Mérogis : la contrôleure des prisons pointe "la surpopulation carcérale"

Pour Adeline Hazan, il faut rapidement rendre les lieux de détention plus humains.



Onze personnes se sont suicidées à la prison de Fleury-Mérogis depuis le début de l'année. C'est plus que les deux années précédentes.

"Malheureusement, cette vague de suicides est la conséquence d'un fléau absolument considérable qui touche les prisons françaises depuis des décennies : la surpopulation carcérale", dénonce Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privations de liberté, vendredi matin sur Europe 1 .

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Toujours plus de détentions provisoires. La prison de Fleury-Mérogis, d'une capacité d'incarcération de 2.857 places, présente un taux d'occupation de 143%.

"Vivre à deux ou trois détenus dans une cellule de 9 m² avec les conditions climatiques qu'on a connues cet été, on imagine ce que ça veut dire", souligne Adeline Hazan. Ce nombre toujours plus important de personnes incarcérées s'explique notamment par "l'allongement de la durée des peines", et par l'augmentation "des détentions provisoires".

"Un tiers des détenus sont en détention provisoire. Il y a un an ou deux, il y en avait un quart. On sait que c'est le moment le plus difficile à supporter. Statistiquement, le taux de suicide est plus important à l'entrée", indique la contrôleure générale.

À Fleury-Mérogis, une détenue de 24 ans qui a mis fin à ses jours attendait depuis trois ans que la justice statue sur son sort.

Pas assez de psychologues et des surveillants inexpérimentés. "La surpopulation a une autre conséquence : les médecins, les psychiatres, les psychologues sont évidemment en nombre totalement insuffisant pour pouvoir écouter les détenus. Les surveillants ne font plus qu'une chose : ouvrir et fermer les portes", alerte Adeline Hazan au micro d'Europe 1.

Des surveillants qui, selon elle, sont pour la grande majorité inexpérimentés, ce qui rend d'autant plus difficile l'appréhension de ces volontés suicidaires. "Dans toutes les prisons ou maisons d'arrêt d'Ile-de-France, 70% des surveillants sont stagiaires. On envoie les plus jeunes dans les endroits les plus difficiles", déplore-t-elle, avant de plaider pour que "la Chancellerie réfléchisse à une nouvelle politique de recrutement."

Le "choc carcéral" à l'entrée. La contrôleure générale constate par ailleurs l'état d'insalubrité de certaines prisons et maisons d'arrêt, qui contribue au "choc carcéral" ressenti par les détenus en début de peine. "Les gouvernements successifs parlent de manière récurrente de construire de plus en plus de prisons. Mais quand on regarde, année après année, les budgets consacrés à l'administration pénitentiaire, on s'aperçoit que les crédits d'entretien des prisons, eux, sont soit stagnants, soit en baisse", déplore-t-elle.

Le traitement réservé aux détenus suicidaires. En 2009, le ministère et l'administration pénitentiaire ont mis en place un plan anti-suicide, que fustige aujourd'hui Adeline Hazan. Et pour cause, voilà comment elle décrit la procédure à suivre dans pareil cas : "Dès qu'un détenu est repéré comme suicidaire, il est mis à l'isolement pour le protéger. Et pour vérifier qu'il ne se suicide pas, il est réveillé au moins quatre fois par nuit. Imaginez les problèmes psychologiques que ça engendre sur quelqu'un d'anxieux et de suicidaire !"

En clair, pour Adeline Hazan, "il n'y a pas de volonté d'améliorer la situation des détenus en France". "Tant qu'un gouvernement n'aura pas le courage de prendre des décisions pour rendre les prisons humaines, où les droits des détenus sont respectés, la situation ne changera pas".

Europe 1


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