vendredi 21 novembre 2014

Pour les détenus de Poissy, un CV high-tech après la case prison

"Des tablettes, j'en avais encore jamais vues il y a deux semaines." Comme Giovanni, plusieurs détenus de la Centrale de Poissy (Yvelines) ont obtenu le diplôme d'infographie-maquettiste multimédia, une première en France pour cette prison qui mise sur la réinsertion version high-tech.

Pendant 9 mois, à raison de 25 heures par semaine en alternance avec leur emploi dans la prison, douze détenus, recrutés pour leur motivation, ont suivi "une formation haut de gamme, en phase avec le marché du travail", selon le directeur de l'établissement François Goetz. Neuf ont finalement décroché le précieux sésame.

Montage photo, retouche numérique, mise en page, réalisation de fichiers pour tablette... Demain, dans le cadre du travail en prison, puis dans quelques années, dehors, ces détenus pourront mettre cette expertise au service d'agences de communication, de médias ou de l'édition.

La remise du titre professionnel a eu lieu jeudi, dans le gymnase de la prison, et pour l'occasion, des camarades étaient venus soutenir les jeunes diplômés, à renfort d'applaudissements et de hourras.
Illustrator, Photoshop, InDesign... ces logiciels n'ont plus de secrets pour Christophe, queue de cheval et veste de sport noire. "C'est sûr, il y a du boulot là-dedans", pense le détenu de 42 ans, condamné à perpétuité et dans l'attente d'une libération conditionnelle. Quand il a eu l'examen, son père a pleuré de joie. "C'est qu'on a rarement l'occasion de faire plaisir à nos proches quand on est en détention. Là, c'était du concret, pas que des paroles", confie le nouveau geek, qui a déjà passé un peu plus de 18 ans derrière les barreaux, dont dix en travaillant.

La centrale de Poissy, à 30 km de Paris, abrite 230 détenus en longues peines, la majorité entre 10 et 20 ans. Des profils lourds. "Ce n'était pas gagné, la détention, c'est beaucoup d'aléas, des problèmes personnels", assure Nicolas Strauss, responsable du Service de l'emploi pénitentiaire (SEP) à Poissy. Pourtant, l'expérience a montré selon lui qu'"il y a des meilleurs résultats et un meilleur engagement ici qu'à l'extérieur."

- Des tablettes mais pas d'internet -

Cette formation n'est pas une entrée totalement nouvelle dans le monde des technologies pour les douze camarades qui ont suivi la formation. Ils font partie des trente détenus qui travaillent à raison de 25 heures par semaine dans l'atelier géré par l'antenne locale du SEP. Leur travail, notamment: numériser et restaurer une partie des archives sonores de l'Institut national audiovisuel (INA), une masse de 800.000 pièces. Leurs autres "clients": le ministère de la Culture et le MuCEM.
"Vous avez en face de vous des archives à forte valeur ajoutée, la plus ancienne que j'ai vue datait de 1908. Rien que ça, c'est intéressant. Ce n'est pas juste mettre des dépliants dans une enveloppe", s'enthousiasme Christophe.

La centrale de Poissy joue la carte du high-tech dans sa politique de réinsertion professionnelle en milieu carcéral, là où en général les formations portent d'abord sur l'alphabétisation et l'apprentissage des métiers manuels.

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