Fermée depuis décembre 2015, la maison d’arrêt de Compiègne est en train d’être démantelée. Ouverte en 1867, elle a accueilli jusqu’à 130 détenus dans 25 cellules.
De l’extérieur, rien n’a changé. Pourtant, le 13 décembre dernier, les 47 derniers détenus de la maison d’arrêt de Compiègne ont définitivement quitté les lieux.
Direction la nouvelle prison, dans la ville préfecture de l’Oise. L’établissement, ouvert en 1867 sous le Second empire, est actuellement en train d’être démantelé. À l’intérieur, ils ne sont plus que deux.
Un technicien et Éric Tardieu, le directeur, chargé par l’administration pénitentiaire de mettre à la retraite les prisons de Compiègne et Beauvais.
Dans la cour, des lits en métal bleu s’entassent
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« Nous devons avoir fini ici fin juin », indique ce dernier en ouvrant la grande porte verte bien connue des Compiégnois. Puis ce sera le tour de la maison d’arrêt de Beauvais. Dans la cour, des lits en métal bleu s’entassent. « Les premières choses que nous avons enlevées, ce sont les serrures », prévient le responsable. Oublié, le « buzz » qui accompagnait immanquablement l’ouverture d’une grille ou d’une porte. Le détecteur de métaux et la machine à rayons X sont débranchés. Pas de fouille. Le téléphone portable n’est plus pris en otage. Les caméras, elles, fonctionnent toujours.
La nourriture donnée à une association, les couvertures à la SPA
Des coups de marteaux résonnent, suivis des crissements de la disqueuse découpant le métal, accompagnés d’une odeur de brûlé caractéristique. « On a bien avancé », sourit Éric Tardieu. Dans un coin, des tabourets s’entassent. Tout le matériel réutilisable est recensé. « Divers établissements pénitentiaires vont venir se servir. » Ne rien gâcher. « À Beauvais, la nourriture a été donnée à une association caritative. » Dans un placard trônent de vieilles couvertures : « Elles vont être offertes à la SPA. »
Des détenus talentueux
Il est temps d’entrer dans la zone d’incarcération. En face de l’entrée, un escalier en métal permet de rejoindre l’unique étage. À gauche, les parloirs. Une vitre et un interphone pour les punis. « Quand, par exemple, quelqu’un de l’extérieur tentait de faire entrer quelque chose », précise Éric Tardieu.
Au-delà des cabines destinées aux fouilles, une pièce un peu plus spacieuse. Sur les murs, des dessins d’animaux réalisés par un détenu. Des œuvres de ce type, il y en a un peu partout dans la prison. Certains des pensionnaires avaient du talent. « Il y en a même un qui a gagné un prix au festival d’Angoulême », assure le directeur.
Les repas fabriqués sur place, le linge lavé en prison
Puis viennent les cuisines, pas toutes jeunes mais fonctionnelles, un peu comme le reste de la prison. « Tous les repas étaient fabriqués ici. » Passés les deux gigantesques congélateurs, la buanderie. Là encore, « nous faisions tout nous-mêmes ». De l’autre côté du couloir, une série de cinq placards à la porte vitrée : « Les parloirs pour les avocats. »
25 cellules prévues pour accueillir 76 détenus
Place aux cellules. Il y en a 25 en tout. Un quartier de semi-liberté pouvant accueillir plusieurs personnes, deux cellules pour isoler les fortes têtes (jusqu’à 30 jours). C’est le « mitard », le « chtar » ou encore le « château ». Quelques mètres carrés de béton gris protégés par deux grilles, où s’entassent côte à côte lit, toilette et lavabo. Et 22 dortoirs. Des « chauffoirs » passés de mode : la nouvelle prison, à Beauvais, n’a que des cellules individuelles. « C’était quand même un avantage pour éviter les tentatives de suicide, note Éric Tardieu. On était souvent prévenu en amont par les codétenus. » Au total, 76 places, même si l’établissement a pu accueillir jusqu’à 130 détenus en même temps. Avec une équipe de 28surveillants.
Des cellules défraîchies
Plutôt bien éclairées, les cellules sont en revanche très défraîchies. Peintures bleues ou vertes écaillées, carrelages anciens… Le temps et les dégradations sont passés par là. Excepté dans les deux cellules du chtar, toilettes et douches sont protégées par des portes battantes. Dans la plupart, des draps ont été installés autour de tuyaux, formant deux poignées destinées aux tractions. « Lorsqu’on les enlevait, cela revenait aussitôt », soupire le directeur.
Mesrine, star locale
Sur les murs, des dizaines de tags. Des juges en prennent pour leur grade, des codétenus s’insultent. Certains sont poètes ou philosophes. Dans la 116, d’impressionnants dessins inspirés du manga One piece attirent le regard. Un pensionnaire a gravé « Mesrine » dans le plâtre. Le grand bandit est en effet passé par la maison d’arrêt de Compiègne. Une sorte de star locale.
Salle de musculation, bibliothèque, médecin, dentiste, école...
Derrière d’autres portes blindées, on trouve la salle de classe, pas très grande mais en bon état, l’espace médical, avec un cabinet pour le médecin, un autre pour le dentiste. Tout le matériel a aujourd’hui disparu. Il reste quelques appareils, en revanche, dans la salle de musculation. Et quelques livres dans la petite bibliothèque qui servait également de salle de cultes.
Fabrication de filets pour la production de moules de Bouchot
Du rez-de-chaussée, deux portes conduisent à deux cours de promenade distinctes. Des filets les recouvrent entièrement pour éviter que des objets soient lancés depuis l’extérieur. Seuls ornements, quelques lignes blanches et bleues tracées pour les activités sportives. C’est aussi par l’extérieur qu’on accède à l’espace consacré au travail. « Les détenus fabriquaient des filets pour l’élevage des moules de Bouchot, relate Éric Tardieu. Et travaillaient aussi pour un chiffonnier. » L’atelier mécanique ressemble à n’importe quel autre. « Lorsqu’un détenu gérable arrivait avec des compétences, on l’embauchait pour entretenir la prison. »
Qui en avait bien besoin. Malgré cela, c’est avec un pincement au cœur que les occupants ont vidé les lieux. Les détenus, partis rejoindre une très grande structure moins « humaine » et plus éloignée géographiquement, mais aussi les surveillants, les administratifs, la professeure, les médecins… Pour eux comme pour Compiègne, c’est la fin d’une époque.
Quel avenir pour le site de la maison d’arrêt?
Fin juin, le démantèlement devrait être achevé. L’architecte des bâtiments de France est attendu prochainement, « pour voir s’il y a des choses à conserver », indique Michel Foubert, 1er adjoint de Compiègne. Peu probable. Une ancienne chapelle apparaît bien sur les plans, mais elle a aujourd’hui disparu. L’État pourra ensuite mettre le site en vente. Les promoteurs intéressés devront toutefois composer avec des règles strictes : un rez-de-chaussée, un étage et des combles, pas plus, le tout au bord d’une avenue classée. « On peut imaginer des maisons et peut-être un petit immeuble... », suppose l’élu. Sans oublier la destruction, cela devrait prendre quelques années.
Courrier Picard
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