vendredi 11 juillet 2014

L’État condamné après la mort d’un détenu originaire de Wattrelos ?

Le tribunal administratif de Lille s’est penché sur la mort d’Aliou Thiam, en 2007, à la maison d’arrêt de Loos.
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Mercredi, le rapporteur public du tribunal administratif de Lille a demandé la condamnation de l’État après la mort d’un détenu originaire de Wattrelos, en juin 2007, à la prison de Loos. Il a reconnu des fautes de l’administration pénitentiaire. Il reproche au personnel de la maison d’arrêt le non-respect du protocole de soins signé avec le CHR de Lille en cas d’urgence vitale et l’absence de transmission des informations médicales des surveillants au personnel de santé.
Cellule D204 de la maison d’arrêt de Loos, le 10 juin 2007, vers 6h15. «  D’un seul coup, j’ai été réveillé par un grand cri poussé par mon codétenu, expliquera A., lors de son audition devant un juge d’instruction (voir ci-contre). Je suis directement descendu de mon lit pour voir ce qui se passait et j’aperçois Thiam en train de faire une crise d’épilepsie. Il bavait à fond, il était tout raide et moi, je croyais qu’il allait avaler sa langue  ». Le témoin tente de prévenir les surveillants mais la cellule n’est équipée d’aucun système d’alerte d’urgence. Il tambourine à la porte. De toutes ses forces.
Vers 6h30, un surveillant accompagné d’un gradé entrent enfin dans la cellule. Aliou Thiam, un Wattrelosien âgé de 38 ans, est dans un état de demi-conscience. «  Il respirait tellement mal  », se souvient encore son codétenu qui leur demande alors d’appeler le SAMU. Les agents refusent.
Ils préfèrent peut-être attendre l’ouverture de l’infirmerie, vers 8 heures. Le personnel lui passe un linge humide sur le visage, ce qui le réveille. Pour l’administration (qui rejette l’idée de toute faute), c’est ce réveil qui a amené les surveillants à ne pas appeler les services d’urgence, comme le prévoit un protocole signé avec le CHR de Lille.

Ausculté trois heures après la première crise

Le personnel effectue plusieurs passages à l’œilleton mais vers 7 heures, le père de famille est frappé d’une seconde crise. Le codétenu alerte à nouveau les agents pénitentiaires. Toujours selon lui, un surveillant se serait juste présenté à la porte de la cellule, disant qu’il ne pouvait rien faire et qu’il fallait attendre l’infirmière. «  Monsieur Thiam était cloué dans son lit tellement il respirait mal. Sa langue, je ne sais pas s’il l’a mordue mais il y avait du sang mélangé dans la salive car il respirait en bavant  ».

Ce n’est que vers 9 h 20 qu’un surveillant viendra chercher la victime afin de l’emmener à l’infirmerie. Le Wattrelosien s’y rend seul. Un doute persiste sur son état de santé. Mais si les agents du matin ont expliqué qu’il fallait voir le malade en urgence, personne ne semble avoir réellement expliqué à l’infirmière ce qu’il s’était passé. «  Personne n’a indiqué au personnel médical la gravité de l’état de santé de Monsieur Thiam, se désole Me Gildas Brochen pour qui la mort d’Aliou Thiam aurait pu être évitée. Très certainement frappé de l’amnésie qui accompagne ce type de malaise, il ne pouvait faire état que de douleurs dont il ne comprenait pas l’origine  ».

Dans le flou, l’infirmière lui fournit une dose de méthadone. Fatale ? Vingt minutes plus tard, alors qu’Aliou Thiam, s’apprêtait à remonter en cellule, il est à nouveau victime de convulsions. Au cours de cette crise, il aurait été maintenu au sol par l’administration pénitentiaire et même menotté «  en raison d’une extrême agitation  ». «  Comme il saignait de la bouche, le gradé a pris la décision de le menotter afin qu’il ne se blesse davantage  », expliquera l’administration pénitentiaire, dans des conclusions présentées au tribunal administratif. Le « 15 » est finalement prévenu. Les pompiers se rendent sur les lieux. Trop tard. Aliou Thiam est victime d’un arrêt cardiaque. Malgré les massages cardiaques, à 11 heures, Aliou Thiam est déclaré mort.

Le 19 septembre 2011, un médecin expert conclue à un décès causé, non pas par une surdose de méthadone, mais probablement aux crises d’épilepsie. Selon lui, «  il est certain qu’une prise en charge immédiate après la première crise d’épilepsie aurait permis de constater plus rapidement par un personnel compétent la perte de connaissance puis la récidive et d’orienter de manière adaptée vers un service hospitalier susceptible de prendre en charge une éventuelle aggravation  ».
Lors de l’audience devant le tribunal administratif, le rapporteur public a accepté l’idée d’une indemnisation des proches d’Aliou Thiam. Selon lui, le personnel pénitentiaire aurait dû se rendre compte du caractère urgent de la situation. Il pointe également du doigt des «  insuffisances  » dans la communication des informations au personnel médical. La décision a été placée en délibéré.
www.nordeclair.fr

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