vendredi 4 janvier 2019

Les détenus retournent à la prison de La Santé

Le 7 janvier, après de lourds travaux, la célèbre maison d'arrêt parisienne fonctionnera à nouveau. L'Express l'a visitée.

Les détenus retournent à la prison de La Santé

Après quatre années de travaux, "La Santé" s'est refait une jeunesse. Cette vieille dame de 151 ans a été profondément rénovée du sol au plafond. Il faut dire que cette mythique maison d'arrêt était devenue assez délabrée, rongée par les ans.



C'est l'unique établissement pénitentiaire de la capitale et l'État a consacré 180 millions d'euros à ce gigantesque chantier. Les détenus réinvestiront la prison à partir du 7 janvier. Progressivement, puisque les 800 places ne seront occupées qu'à partir du printemps.

La taille des cellules fait un bond

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Avant même cette métamorphose, La Santé était une "taule" réputée moins inhumaine que les monstres franciliens comme Fleury-Mérogis, Fresnes ou Nanterre, et même Meaux-Chauconin ou Villepinte. Les conditions de détention sont visiblement améliorées. A commencer par la taille des cellules, au sein desquelles leurs occupants trouveront une douche et même un téléphone mural, ce qui n'existait pas avant.

L'administration a conservé une cellule témoin de l'ancien temps : avec un peu plus de 6 m², on se demande comment un détenu pouvait y survivre. La taille standard est désormais de 8 m² et demi, voire un mètre carré de plus pour certaines. Sauf qu'au-delà du printemps, La Santé commencera à accueillir des prisonniers en surnombre. La moitié des cellules sont déjà équipées de deux lits superposés. Et ce taux de 150% de surpopulation carcérale pourrait bien être vite dépassé, puisque celui des principales maisons d'arrêt d'Ile-de-France se situe souvent au-delà : 191% à Villepinte et Bois-d'Arcy, 188% à Fresnes, 183% à Meaux-Chauconin, 169% à Nanterre ou 144% à Fleury-Mérogis.

La douche collée aux WC

La surpopulation rend vite infernale la vie des détenus et des surveillants, surtout à cause des mouvements perpétuels pour accéder aux diverses activités. La vie est rythmée par l'ouverture et la fermeture des portes et des grilles. De ce point de vue, il y aura deux progrès à La Santé : l'accès à la douche et au téléphone en cellule et non plus à l'extérieur. C'est souvent la croix et la bannière pour rejoindre les sanitaires, dans un état souvent crasseux, deux à trois fois par semaine. Là, les détenus pourront se doucher comme bon leur semble. Seul bémol, la sortie du jet d'eau se trouve au-dessus des WC, donc le détenu devra se coller à la cuvette afin de se laver. La température de l'eau sera-t-elle supportable ? Car dans bien des établissements, elle est souvent trop froide. Ou trop chaude.

"Le téléphone en cellule, quelle révolution !, se réjouit Christelle Rotach, directrice de La Santé. C'est une première en France qui va contribuer au maintien des liens familiaux et améliorer la lutte contre les suicides." Cette révolution a bien sûr ses limites. D'une part, les détenus ne pourront pas appeler qui ils veulent, mais seulement une liste de numéros validés par le juge d'instruction, pour les prévenus, ou par la directrice de la prison, pour les condamnés. D'autre part, en cellule doublée, il n'y aura pas d'intimité assurée pour passer un coup de fil en présence du codétenu. Du coup, les téléphones dans les coursives subsistent en cas de besoin.

Bannir le trafic de portables

Cette innovation devrait permettre d'éviter un sport national en prison : le trafic de téléphones portables. Car ils seront intégralement brouillés. Christelle Rotach l'assure, le brouillage ne débordera pas sur le voisinage du quartier. Il ne restera "que" le trafic de drogue, les prisons demeurant, rénovées ou pas, des passoires, par les parloirs ou par projections au-dessus des cours de promenade. Pour y accéder, l'installation de portiques est systématique à La Santé, mais ils ne détectent que les métaux, pas les stups.

Les architectes pénitentiaires se sont creusé la tête pour que la privation de liberté soit moins pénible. Une innovation : des plaques percées au plafond destinées à améliorer l'acoustique. C'est que le bruit constitue un fléau en prison. Difficile de passer dans une coursive sans qu'un détenu hurle ou tambourine à grands coups de poings sur sa porte, parce qu'il se trouve en manque de tabac, par exemple. Les surveillants sauront vite s'ils ont ou pas les oreilles qui bourdonnent en fin de service.

Plus de lumière dans les coursives

On sait déjà que les personnels apprécient que les bâtiments soient recouverts de verrières, permettant l'entrée de la lumière du jour. Les conditions de travail en seront meilleures que sous les néons. Pour un établissement qui pourrait compter 1200 détenus à la fin de l'année, le nombre d'agents de la Pénitentiaire dépassera les 500. Mais sur 380 surveillants, 70% sont des stagiaires, donc quasi sans expérience, ce qui pourra poser problème. Travailler à Paris n'est pas attrayant pour des agents en début de carrière, donc peu rémunérés, en raison du niveau des loyers de la capitale.

Le téléphone en cellule est donc la grande innovation de La Santé, mais l'établissement absorbera aussi un régime de détention assoupli, déjà expérimenté, par exemple à Villepinte. Qu'on l'appelle "module de confiance", "respect" ou "respecto", il s'agit d'un accord entre le détenu et l'administration : s'il se comporte bien, il acquière une liberté de mouvement, puisqu'il détient la clef de sa cellule, sous réserve d'être actif pendant la journée (scolarité, travail, sports...). L'oisiveté, très répandue en détention, étant le pire ennemi de la future réinsertion donc de la lutte contre la récidive.

Quelques années seront nécessaires pour évaluer toutes ces évolutions, plus ou moins révolutionnaires...

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