vendredi 6 septembre 2013

Réforme pénale - Tout sauf laxiste… [Décryptage]

Le projet de Christiane Taubira, revu après les arbitrages de l’Élysée, est enfin prêt. Il pourrait être présenté en Conseil des ministres fin septembre. Décryptage des principaux points.

Le projet de loi sur la Réforme pénale est prêt et devrait être présenté d'ici la fin du mois.
Le projet de loi sur la Réforme pénale est prêt et devrait être présenté d'ici la fin du mois.
 
Après avoir reçu cette semaine les syndicats de magistrats, ceux de la pénitentiaire et les associations de victimes, Christiane Taubira a mis la dernière main à sa réforme pénale.
Fin des peines planchers
 
L’ultime version du projet (que nous vous proposons ici), est datée du 4 septembre. Son titre : « avant-projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines ».
 
Il comporte 20 articles et répond à trois principes qui font l’unanimité ou presque au sein de la magistrature, voire de la police : fin des peines planchers, individualisation du prononcé de la peine et de son exécution, fin des sorties sèches de détention, bon moyen de lutte contre la récidive. « Ce n’est pas révolutionnaire en soi, commente Christophe Régnard, le président de l’Union syndicale des magistrats. Ces mesures sont appliquées dans beaucoup de pays, car elles donnent des résultats. »
ANALYSE
 
L’ajournement de peine.
 
Ce dispositif permet de scinder en deux le procès pénal. La première fois, il se prononce sur les faits. La seconde fois, il prononce la peine. Entre-temps, et dans un délai de quatre mois, des investigations sont menées sur la personnalité de l’accusé. Il n’est pas pour autant lâché dans la nature : il peut être placé sous bracelet électronique ou contrôle judiciaire. Une mesure jugée intelligente, mais qui exige des renforts de magistrats.
La révocation des sursis.
 
Finies les révocations automatiques des peines avec sursis après un nouveau délit. Elles pouvaient intervenir en cascades et finalement expédier en prison pour de longs mois une personne en pleine réinsertion sociale. Ce qui était totalement contre-productif.
Les aménagements de peines.
 
Le projet durcit le système : l’aménagement (pas de détention) ne s’applique plus qu’aux peines d’un an ferme (et non plus de deux ans) et à celles de six mois pour les récidivistes. Satisfaction à l’USM. « Cette mesure de fermeté nous la demandions. »
La contrainte pénale.
 
La vraie nouveauté du texte. Cette mesure a fait couler beaucoup d’encre. En fait, elle vient compléter la panoplie des peines à disposition des juges aux côtés du sursis avec mise à l’épreuve, du travail d’intérêt général, ou de l’injonction de soins. La contrainte pénale permet d’associer toutes ces contraintes. Quand elle est prononcée par le tribunal correctionnel, elle est suivie d’une période d’évaluation du délinquant réalisée par les services d’insertion et de probation (Spip). Mais c’est ensuite le juge d’application des peines qui fixe les contraintes. Et si elles ne sont pas respectées, il peut alors prononcer une peine de prison, au minimum la moitié de la durée de la contrainte pénale ou au maximum, la durée de la peine encourue à l’origine. « Ce n’est pas une mesure laxiste, commente Christophe Régnard. Elle pourrait même s’avérer plus sévère que les peines de probation actuelles. Et puis une épée de Damoclès - la prison - est maintenue au-dessus de la tête de la personne soumise à cette contrainte pénale. »
Pas de libérations automatiques.
 
L’objectif est d’éviter les sorties « sèches » de prison, sans contrôles, sans projets pour le détenu. Le texte prévoit un examen obligatoire de sa situation aux deux tiers de sa peine (calculée en fonction de sa date de sortie prévisible).
Les moyens. « C’est un projet intelligent, qui dans l’état, n’a rien de laxiste » assure l’USM. Il ne va pas brutalement vider les prisons. Il s’avère inspiré des meilleurs exemples étrangers, dont le Canada. Encore faudra-t-il avoir les moyens de l’appliquer. C’est ce qui inquiète Christophe Régnard. « On nous promet 57 magistrats de plus et 300 Spip. Cela comble en partie les manques actuels. Cela ne permet pas d’appliquer cette réforme pénale ».
Il rappelle que la loi pénitentiaire de 2009 était également un bon texte, mais qu’il n’a jamais été appliqué faute de moyens suffisant Il espère donc que le gouvernement tiendra ses promesses, celles de moyens humains supplémentaires tout au long des budgets à venir, jusqu’en 2017.

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