vendredi 13 septembre 2013

Un directeur de prison jugé pour un meurtre commis dans une cellule

Stéphane Scotto risque une condamnation pour homicide volontaire parce qu'il a placé en 2004 un détenu hyper-dangereux dans une cellule collective où il a commis un meurtre. Une audience aussi exceptionnelle qu'emblématique pour la pénitentiaire 
Un directeur de prison jugé pour un meurtre commis dans une cellule
La ministre de la Justice Christiane Taubira et Stéphane Scotto, directeur de la prison de Nancy en 2004.

Que s'est-il passé dans la nuit du 24 au 25 août 2004 au sein de la cellule n°118 de la prison de Nancy? Sébastien Simonnet, 28 ans à l'époque, sous les yeux de Sébastien Schwartz, 19 ans, a tué leur codétenu Johnny Agasucci, découvert asphyxié après avoir subi de très nombreux coups.  

La victime est un peintre en bâtiment de 26 ans en détention préventive pour trafic de stup, sans casier judiciaire, alors que Sébastien Simonnet, le meurtier, attendait d'être jugé aux assises pour des actes de tortures et de barbarie commis sur un autre détenu et possédait un casier avec dix condamnations pour vols et violences. 

Défaut de surveillance d'un détenu dangereux?

Pourquoi Stéphane Scotto se retrouve-t-il sur le banc des accusés? Les magistrats de la Cour d'appel de Nancy ont estimé que le chef d'établissement, responsable du placement des détenus en cellule, avait pleinement conscience de la dangerosité de Sébastien Simonnet. Le cadre pénitentiaire aurait donc dû, ajoutent les magistrats, le mettre à l'isolement ou demander son transfert dans un autre établissement. 
 
Stéphane Scotto a répliqué, lorsqu'il était interrogé, que compte tenu de la surpopulation de l'établissement il n'y avait plus de cellule individuelle. C'est pourquoi il explique avoir décidé de placer Sébastien Simonnet dans une cellule de six détenus, meilleure garantie, selon lui, d'être informé d'une éventuelle nouvelle dérive violente du détenu dangereux. Seulement, après la grâce du 14 juillet, l'effectif de la cellule a chuté à trois. Et, du coup, les magistrats de reprocher à Stéphane Scotto de ne pas avoir veillé à ce que l'effectif de la cellule ait été maintenu à six.  

Six jours avant le drame, des traces de coups

Les magistrats s'étonnent aussi que le 18 août, six jours avant l'homicide, les gendarmes et un juge d'instruction aient remarqué des traces de coups au visage et pas les surveillants pénitentiaires. "Que pouvait faire Stéphane Scotto puisque aucun surveillant ne l'a alerté", soutient Patrick Maisonneuve, le ténor parisien qui le défend. Les magistrats de la Chambre de l'instruction de Nancy ont jugé que Scotto aurait dû mettre en place une surveillance spécifique de cette cellule afin de prévenir une récidive d'actes violents de la part Sébastien Simonnet. 
 
Au cours de l'instruction, Stéphane Scotto s'était aussi défendu en affirmant qu'aucun élément ne justifiait le placement de Sébastien Simonnet à l'isolement. Affirmant que c'était à l'autorité judiciaire d'adresser Sébastien Simonnet à un autre établissement. Stéphane Scotto ajoutait aussi que la victime Johnny Agasucci ne lui avait pas été signalée comme détenu vulnérable. Il ne voit donc pas comment on pourrait le condamner pour une faute délibérée. 

Le cocktail explosif des détenus en cellule

Ce procès qui se déroule ce vendredi 13 est exceptionnel, car est renvoyé en correctionnelle un cadre dirigeant de la Pénitentiaire: Stéphane Scotto fut sous-directeur à l'état major de la Sécurité à l'Administration centrale. C'est extrêmement rare. Cette audience est aussi emblématique, car la question du placement en cellule des détenus est cruciale pour leur sécurité. La justice regroupe en prison un échantillon de personnes souvent brutales, et les réunir dans une même cellule constitue souvent un cocktail explosif, avec son lot de violences physiques, voire sexuelles. 
 
A Nancy, la prison conçue pour 259 détenus, avec une moyenne de 350 hébergés à l'époque des faits, le chef d'établissement pouvait-il superviser tous les placements, et surveiller toutes les cellules? Certainement pas. La justice correctionnelle de Nancy va devoir juger si oui ou non Stéphane Scotto, en fonction de ce qu'il savait de Sébastien Simonnet, aurait dû organiser une surveillance spécifique de la cellule où il l'avait placée. Et si, parce qu'il ne l'a pas fait, il aurait laissé se créer une situation de danger pour le codétenu victime. Autre difficulté, face à des magistrats, Stéphane Scotto sera-t-il totalement libre de sa défense s'il veut mettre en cause le magistrat qui a placé le futur meurtrier dans la prison de Nancy
 
L'audience correctionnelle est programmée pour toute la journée de ce vendredi 13 septembre.  
 
L'Express

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