Sept ans après, un procès enfin. Ce mardi après-midi, la justice s’est prononcée dans l’enquête sur le décès de Jérémy Ducastel, 21 ans, à la maison d’arrêt de Douai le 7 juin 2007. Christophe Mouton, un détenu qui lui avait fourni de la méthadone, a été condamné à deux ans de prison ferme pour homicide involontaire.
En 2008, les proches de J. Ducastel s’étaient rassemblés devant la prison pour lui rendre hommage.
Ce n’était pas un suicide comme l’administration pénitentiaire l’avait présenté au début. La justice a mis le temps mais a conclu que Jérémy Ducastel, Auberchicourtois de 21 ans et père de trois enfants, est mort parce qu’il avait ingéré une « bombe », un cocktail de drogue et de médicaments.
Cette drogue, la méthadone, c’est Christophe Mouton qui l’a fournie. L’homme au visage émacié, ancien toxicomane de 35 ans aujourd’hui libre, était en détention avec Jérémy Ducastel. Christophe Mouton suivait un traitement à la méthadone, pas Jérémy. Quelques heures avant d’être retrouvé mort sur son lit, Jérémy a croisé Christophe Mouton. « Il était avec moi dans la formation de préparation à la sortie, dit le prévenu. En promenade, on se dépanne. » Méthadone contre cigarettes. « J’ai donné une dose qui n’était pas mortelle. Je ne savais pas qu’il allait la mélanger avec d’autres médicaments. »
Jérémy n’allait pas bien. Quelque temps avant sa mort, sa concubine lui avait dit qu’elle le quittait. « Ça a dû être dur pour lui », reconnaît l’ex compagne. Jérémy a avalé cette « bombe » car « il voulait se défoncer », selon son co-détenu. Sauf qu’il n’en avait jamais pris jusque là. « S’il n’y avait pas eu cette méthadone, il ne serait pas décédé », tonne Me Grégory Malengé, l’avocat des parties civiles (parents et ex concubine). Christophe Mouton le reconnaît : « J’aurais jamais dû lui en donner, ça a joué certainement... » Dans sa cellule, il y avait méthadone, anti-dépresseurs et même des médicaments non vendus en France !
Huit expertises ont été faites. La dernière conclut que « le décès est vraisemblablement consécutif à l’ingestion de méthadone ». « Vraisemblablement », un terme sur lequel Me Maxence Denis, l’avocat de la défense, fonde ses espoirs de relaxe. « Il y a des incertitudes ! Est-on sûr des causes de la mort ? Il vient de quoi le syndrome d’asphyxie ? Des débris alimentaires retrouvés dans les poumons ? » Et les doutes sur « les mensonges et les incohérences à la maison d’arrêt », décrits par le père de Jérémy ? Un surveillant avait dit avoir entendu parler Jérémy à l’heure où il était semble-t-il déjà mort : il a été entendu mais jamais inquiété. « On est allé assez loin, note Me Malengé, mais on n’a pas fait toute la lumière sur les responsabilités de l’administration pénitentiaire et du co-détenu de M. Ducastel. » La justice a trouvé un coupable mais le père de Jérémy ne s’en satisfait pas : « La vérité, on la saura jamais ».
Jérémy Ducastel, responsable lui aussi
S’il n’y a qu’un seul coupable à l’issue du procès sur la mort de Jérémy Ducastel, le tribunal correctionnel de Douai n’a pas fait porter toutes les responsabilités sur le seul Christophe Mouton, le prévenu. Sandrine Normand, substitut du procureur, avait requis une peine de deux ans de prison ferme mais surtout rappelé qu’« on ne reproche pas à Christophe Mouton d’avoir voulu la mort de Jérémy Ducastel ». Pour Me Maxence Denis, l’avocat de la défense qui avait réclamé ce partage des responsabilités, « Il a dépanné quelqu’un qui lui a demandé quelque chose parce que ça n’allait pas ». Même Me Grégory Malengé, avocat des parties civiles, l’avait reconnu : « Jérémy Ducastel a eu aussi une responsabilité en prenant le produit ».Le partage des responsabilités, qui conditionne le versement des dommages et intérêts réclamés par les parties civiles, est donc fixé : 80 % pour Christophe Mouton, 20 % pour Jérémy Ducastel.
La Voix du Nord
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