mercredi 6 avril 2016

Suicide de Villefontaine : Jean-Jacques Urvoas lance une enquête administrative

Au lendemain du suicide de Romain Farina, ex-enseignant accusé de pédophilie, les syndicats de l'administration pénitentiaire dénoncent le manque d'effectifs qui aurait conduit à la suppression d'une ronde de surveillance.


Au lendemain du suicide de Romain Farina, ex-directeur d'école de Villefontaine (Isère) mis en examen et écroué pour pédophilie, à la prison de Lyon-Corbas, la question de sa surveillance fait débat.

Au micro de RTL ce mercredi matin, David Besson, syndicaliste de l'UFAP-UNSA Justice, a lancé un pavé dans la mare en affirmant qu'une ronde n'avait pas été effectuée la nuit où l'ex-enseignant soupçonné d'avoir violé plus de 60 enfants s'est donné la mort.

Liens commerciaux :




D'après ses dires, ce dysfonctionnement serait la conséquence d'un manque d'effectif cette nuit-là.

Pascal Rossignol, coordinateur régional du syndicat de l'administration pénitentiaire joint par Le Figaro, a confirmé les propos de David Besson. En réaction, le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, a annoncé un peu plus tard, toujours sur RTL, avoir «lancé une enquête administrative». La veille, une enquête judiciaire a également été ouverte par le parquet de Lyon.

L'important désormais pour le Garde des Sceaux est que «l'on comprenne» ce qui s'est passé et que «cela ne se reproduise pas». Car Jean-Jacques Urvoas semble prendre très au sérieux les affirmations du syndicat UFAP, d'autant que le détenu avait été placé en quartier d'isolement où les rondes sont censées être plus fréquentes. «Normalement, selon ce que je sais, il doit y avoir quatre rondes effectuées. Est-ce qu'il y avait effectivement un problème de personnel. Il faut que l'on tire cela au clair mais c'est plausible parce qu'on a des prisons qui sont suroccupées et des personnels en souffrance», a concédé le ministre. Ce suicide met au jour les problèmes de sous-effectif de l'administration pénitentiaire. «Il y a beaucoup de pression» sur les personnels mais «on est dans une logique de recrutement», a poursuivi le ministre.

«On ne peut pas mettre un surveillant derrière chaque détenu»

Incarcéré dans la prison de Lyon-Corbas depuis le 25 mars 2015, en attendant son procès, Romain Farina, inculpé pour onze plaintes pour viols et ciblé par 55 signalements de parents ou de leurs enfants, a utilisé le drap mis à sa disposition dans sa cellule pour se pendre. Il avait d'ailleurs déjà tenté de mettre fin à ses jours l'été dernier, en avalant des médicaments. «Mon rôle n'est pas d'être un commentateur», a réaffirmé Jean-Jacques Urvoas, qui rappelle que les suicides en prison sont un «fléau» contre lequel il faut combattre. En 2015, 113 déténus sont passés à l'acte. «On se suicide sept fois plus en prison qu'en dehors», a rappelé Garde des Sceaux en se basant sur une étude de l'Institut national d'études démographiques. Et d'ajouter, fataliste: «Quand quelqu'un veut se suicider, vous pouvez prendre toutes les mesures, il pourra finir par le faire avec n'importe quel moyen».

«Quand quelqu'un veut se suicider, vous pouvez prendre toutes les mesures, il pourra finir par le faire avec n'importe quel moyen»
Jean-Jacques Urvoas, ministre de la Justice

Une analyse que partage Bruno Lucchini, membre du syndicat CGT-Pénitentiaires joint par Le Figaro. «Bien sûr que nous sommes en sous-effectif dans les prisons en situation de surpopulation carcérale comme celle de Lyon-Corbas, mais on ne peut pas non plus mettre un surveillant derrière chaque détenu suicidaire. C'est impossible», lance-t-il. Selon lui, les gardiens avaient déjà fait leur travail en l'empêchant «à plusieurs reprises de passer à l'acte».

La crainte du suicide de Salah Abdeslam

Malgré tout, une panoplie de mesures existent pour prévenir les suicides en milieu carcéral. «Il y a aujourd'hui 144 cellules lisses dans lesquelles il n'y a aucune capacité de se pendre, puisque la pendaison est le phénomène le plus utilisé. Il y a des couvertures et des draps indéchirables et l'administration pénitentiaire a installé un système de codétenus de façon à ce qu'il y ait une surveillance. Mais dans le cas présent, la personne était détenue pour des faits qui n'amènent pas le fait qu'il puisse partager sa cellule avec un autre détenu. Il y aurait probablement eu un péril (pour sa vie, NDLR)», a précisé le ministre.

Ce genre de cellules lisses dont parle Jean-Jacques Urvoas existent à la maison d'arrêt de Corbas, mais Romain Farina n'était pas dans l'une d'elles. «Ce sont des cellules d'un autre âge. Il n'y a vraiment rien dedans. On ne peut pas laisser une personne plus de deux jours là-dedans selon la loi, et c'est normal car sa santé mentale risquerait d'être altérée», tempère Bruno Lucchini.

Un peu plus tôt dans la matinée, Nidal, le père d'une des victimes, a déclaré au micro de RMC qu'il envisageait des suites judiciaires contre l'administration. «On lui donne les armes pour réaliser son suicide», a-t-il affirmé. Le Garde des Sceaux a répondu en affirmant que «l'État défendra ses positions».

Ce suicide d'un détenu à l'isolement interpelle également compte tenu de la venue dans les prochaines semaines de Salah Abdeslam, suspect-clé des attentats du 13 novembre, dans les prisons françaises.

Un juge décidera devra décider dans quel établissement pénitentiaire il sera détenu, mais les risques de suicide préoccupent le ministre. «Évidemment nous préparons cette arrivée avec sa localisation potentielle, les mesures de protection et de surveillance qui seront mises sur cette personne» pour garantir «qu'il n'y ait pas de chaise vide au procès», a réagi Jean-Jacques Urvoas, sans préciser le dispositif prévu.

Le Figaro

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...