jeudi 17 mai 2018

Fleury-Mérogis : Un surveillant réunionnais agressé à coups de fourchette

Alors qu'il est encore en formation, un surveillant pénitentiaire d'origine réunionnaise a été la cible d'une "tentative de meurtre" par un détenu mardi matin, à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. 

Fleury-Mérogis : Un surveillant réunionnais agressé à coups de fourchette

Ses collègues dénoncent une situation catastrophique et délétère difficilement imaginable au sein de l'établissement.



Mardi matin, aux alentours de 7h30. Les 4300 détenus de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (pour 2855 places), s'apprêtent à prendre le petit-déjeuner. À‚gé de 25 ans, un surveillant d'origine réunionnaise actuellement en stage, arpente le couloir du quartier des nouveaux arrivants en compagnie, entre autres, d'un "détenu auxiliaire" qui l'assiste pour le service.

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Derrière une des cellules, un homme de 22 ans écroué depuis deux semaines et connu pour des vols mais aussi des faits de violences sur les gendarmes, semble bien déterminé au pire. La porte s'ouvre et les choses vont dès lors aller très vite.

En quelques secondes, l'occupant de la cellule se jette sur le gardien et lui assène trois coups avec une fourchette. Blessé au bras, à la clavicule et au niveau du cou, l'agent ne sera pas vraiment capable d'expliquer comment il s'en est sorti.

L'aide providentielle du détenu auxiliaire, qui a eu le réflexe de refermer la porte alors que le surveillant repoussait tant bien que mal l'agresseur, y étant certainement pour beaucoup. Transféré aux urgences, le malheureux, qui souffre d'une profonde lésion au niveau de la gorge, va se voir poser 11 points de sutures et prescrire un arrêt immédiat. "Il a eu un réflexe de survie, et est surtout extrêmement choqué par ce qu'il s'est passé", note Thibault Capelle, secrétaire local de FO pénitentiaire.

De son côté, le détenu, extrait de sa cellule pour rejoindre le quartier disciplinaire, aurait à nouveau asséné un coup de poing à un surveillant durant l'opération. "Il a eu des propos très inquiétants, en évoquant la présence des forces françaises en Syrie et en criant Allah Akbar", poursuit le syndicaliste.

Si une information judiciaire a été ouverte pour "tentative de meurtre sur personne dépositaire de l'autorité publique", l'hypothèse d'un acte d'ordre terroriste manigancé par un homme radicalisé reste envisagée. "L'enquête est en cours, mais il faut bien savoir que l'administration décrit l'agresseur comme un prisonnier de droit commun signalé comme radicalisé".

En février dernier, un autre surveillant avait déjà été gravement blessé à la gorge lors d'une violente attaque à l'arme blanche au sein de l'établissement. "Nous faisons face à des coups pour tuer", se désole Thibault Capelle, qui ne mâche pas ses mots pour décrire la situation. "On sert de punching-ball pour maintenir la paix sociale. Mais aujourd'hui, on flirte avec la mort. On est train de crever, et on sait qu'un jour, il y aura un drame fatal".

Sur les 1100 surveillants qui travaillent à Fleury-Mérogis, environ 60% sont des stagiaires en poste depuis moins d'un an. "C'est une catastrophe, et ça empire. On fait du bricolage, avec un manque d'expérience criant. On n'arrive pas à empêcher les agressions envers nous, et on est incapable d'assurer la sécurité des détenus".

En trois semaines dans ce centre pénitentiaire, c'est déjà près d'une dizaine d'agents qui ont été blessés, et deux enquêtes viennent d'être ouvertes par ailleurs sur les décès de deux détenus.

Au regard des chiffres, la plus grande prison d'Europe apparaît dès lors comme une cocotte-minute susceptible d'exploser à tout moment. "Il y a dix ans , on maîtrisait les choses. Aujourd'hui, aucun stagiaire ne souhaite rester sur place, et 70% des inscrits au concours ne se présentent même pas à l'examen !".

Une situation que dénonçait avec force l'ensemble de la profession en janvier dernier (voir nos éditions du 13 janvier et suivantes). "Sans résultat. On a reçu la ministre mais personne ne prend en compte nos remarques".

Les ELACs (Équipes locale d'appui et de contrôle), sorte d'ERIS (Équipes régionales d'intervention et de sécurité) spécifiques à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, n'ont même pas été mobilisées sur l'incident de mardi matin. À la grande surprise de l'ensemble des personnels, membres des ELACs compris. "Nous avons débriefé avec la direction dans la foulée mais ils n'ont pas de solutions et pas de moyens. Là aussi c'est un dialogue de sourd".

En attendant, les surveillants qui ne posent pas congés maladie sur congés maladie, poursuivent le travail avec une peur grandissante au ventre. "On a tous les jours des équipes amputées par les arrêts. Et je vous l'annonce déjà, ce sera bientôt des prises d'otages et il y aura des morts".

Clicanoo






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