vendredi 27 juillet 2018

Le double visage de la prison de Vivonne

Sept mois après sa réouverture, le centre de détention a des allures de modèle. La situation tranche avec une surpopulation critique en maison d’arrêt.

Le double visage de la prison de Vivonne

Depuis sa réouverture (*) le 3 janvier, à raison d’une arrivée de treize condamnés par semaine jusqu’au début de l’été, le centre de détention (CD) du Centre pénitentiaire Poitiers Vivonne monte progressivement en « charge ».



« Nous avons actuellement 217 personnes présentes pour 253 places et nous en attendons encore une vingtaine, précise Karine Lagier, directrice du Centre pénitentiaire Poitiers Vivonne. Nous ne souhaitons pas forcément atteindre la capacité maximale. »

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L’incarcération individuelle des condamnés oblige l’administration à respecter la capacité annoncée. Mais il y a une autre raison : « Nous avons 50 places pour des détenus de la maison d’arrêt qui sont volontaires pour passer en CD. C’est nouveau. »

“ On est plus dans la discussion, c’est moins violent, plus agréable ”

Les surveillants du centre de détention rencontrés sur place évoquent des conditions de travail améliorées. Les locaux sont propres, la lumière a été revue, le sol retapé. Mais il y a surtout ce « Respecto » (lire encadré), ce contrat moral entre détenus et surveillants, qui change tout. Paradoxalement, c’est l’un des effets positifs de la mutinerie.

« Avant, c’était ouvert mais sans contenu, confirme Christophe, un surveillant pénitentiaire. J’ai vécu le centre de détention avant, pendant et après la mutinerie et le Respecto a vraiment changé les rapports entre détenus et surveillants ! On est plus dans la discussion, c’est moins violent, plus agréable. On commence à en sentir les bénéfices. Mais selon les retours d’expériences, il faut un an et demi avant de ressentir pleinement les effets. »

Actuellement, 67 des 217 condamnés du CD profitent du régime d’autonomie offert par cette charte au rez-de-chaussée et au 3e étage. Les autres, soit 150, vivent leur incarcération en régime contrôlé, c’est-à-dire en « portes fermées. » Mais à un par cellule, on y vit toujours mieux qu’en maison d’arrêt hommes (MAH), réservée aux détentions provisoires et aux peines inférieures à deux ans.

Dans la MAH de Vivonne, les détenus s’entassent souvent à trois par cellule. Un matelas par terre pour le troisième. On tue le temps comme on peut en regardant la télé, quand on a la chance de s’entendre avec ses codétenus. « Les 3/4 de notre travail consistent à gérer la cohabitation des détenus par cellule. On a, tous les matins, dix courriers de détenus qui demandent à changer de cellule », confie un surveillant.

Maison d’arrêt hommes : 317 détenus pour 239 places

La surpopulation carcérale est une réalité à Vivonne, dénoncée aussi par les avocats (lire plus bas) : il y a actuellement 317 détenus pour 239 places. Et pas de limite. L’administration pénitentiaire ne peut pas refuser une incarcération décidée par les magistrats. Même la maison d’arrêt femmes déborde : 24 détenues pour 14 places. Ici, pas de régime d’autonomie. Seules les promenades ou le travail permettent de prendre l’air. Les incidents sont quatre fois plus importants qu’en détention distante de quelques mètres… et de son Respecto.

(*) Le centre de détention avait été sérieusement endommagé à la suite de la première mutinerie de la prison, en septembre 2016. Plusieurs incendies avaient ravagé les locaux. Après un an et demi de fermeture et sept mois de chantier, le bâtiment a retrouvé son état initial. L’administration pénitentiaire refuse toujours de communiquer le montant des travaux.

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Le “ Respecto ” espagnol inspire la pénitentiaire française

Inventé en 2001, le « modulo de respeto » a été testé pour la première fois dans la prison de Mansilla de la Mulas (Leon). Confrontée à des incivilités et violences permanentes, l’administration pénitentiaire espagnole souhaitait rétablir une atmosphère de respect mutuel entre détenus et surveillants.

Le « Respecto », son nom francisé, est un contrat passé entre l’administration pénitentiaire et les détenus volontaires à y adhérer. « Les trois règles de base sont de se lever le matin, de dire bonjour aux surveillants avec un sourire et de faire son lit », précise Christophe, un des surveillants du centre de détention de Vivonne.

En échange de ces « obligations », le détenu a droit à des « avantages » comme la libre circulation dans le bâtiment, l’accès aux machines à laver ou, depuis trois mois, à un four en libre accès. « Ils cuisinent des pâtisseries et des pizzas et le lieu est toujours propre : les détenus assurent le nettoyage par roulement. »

Le Respecto a été testé à Mont-de-Marsan et Villepinte. Il s’étend peu à peu dans les prisons françaises à titre expérimental

La Nouvelle République 


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