jeudi 6 septembre 2018

Booba-Kaaris, de la rixe au tribunal

Après leur bagarre à l'aéroport d'Orly et 19 jours de prison, les deux célèbres rappeurs sont jugés le 6 septembre.

Booba-Kaaris, de la rixe au tribunal

Booba et Kaaris, d'une salle à l'autre, deux ambiances opposées. Celle de l'embarquement d'un aéroport parisien, puis celle des assises du tribunal de Créteil (Val-de-Marne), seul espace de la juridiction permettant d'accueillir les nombreux journalistes attirés par ce fait divers a priori banal mais qui électrise le public: une baston de rappeurs!



Il n'y a eu pourtant ni mort ni blessé grave, malgré la haine qui oppose les deux stars du rap, respectivement âgés de 41 et 38 ans.

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La scène qu'ils devront revivre devant les magistrats correctionnels semble tirée d'un mauvais western spaghetti.

Le 1er août peu avant 15 heures, les deux stars rivales arrivent porte 10 du hall 1 de l'aéroport d'Orly, le hasard les ayant fait choisir le même vol vers Barcelone.

Dès que Booba et Kaaris se reconnaissent, à distance, ont-ils raconté en garde-à-vue, ils se dévisagent et se mesurent, se fixent avec des flingues dans les yeux, oubliant où ils se trouvent, n'entendant plus rien du brouhaha des centaines de voyageurs qui les entourent.

Kaaris cesse autographes et selfies. Booba jette son sac noir au sol, comme si les deux rappeurs avaient soudain besoin de se libérer les mains pour dégainer. Ils s'élancent l'un vers l'autre, accompagnés de leurs troupes, et c'est la bagarre générale.

Légitime défense

Face aux juges, les deux hommes risquent gros: ils encourent dix ans pour vols et sept ans pour violences aggravées. Vols et violences, car le "Duc de Boulogne" (Booba) et le rappeur de Sevran (Kaaris), et leurs proches, ont saisi des bouteilles de parfum dans une boutique duty-free pour les balancer sur leurs adversaires, le tout accompagné de coups de pieds et de poings.

Aéroport de Paris, Air France et le commerce en question ont porté plainte, le préjudice global étant estimé à 62 500 euros. Chacun des deux rappeurs est sorti de prison en payant 30 000 euros de caution.

Booba et Kaaris ne nient pas les violences. Ce serait difficile dans le cas d'une rixe qui s'est déroulée aux yeux de tous, en pleine zone d'embarquement d'un aéroport international. Seulement, ils plaident l'un et l'autre la légitime défense.

Sur ce terrain, Kaaris, a un petit avantage, grâce aux images de vidéo-surveillance. Lorsque les deux groupes se rejoignent, celui de Kaaris recule et celui Booba rattrape l'autre clan, le Duc de Boulogne envoyant le premier coup de pied, raté.

"La rixe est de l'initiative du groupe de Booba qui submergeait le groupe de Kaaris", écrivent les enquêteurs dans leur compte-rendu, selon BFMTV. Kaaris soutient que ses rivaux, en arrivant vers lui, ont lancé : "Lève-toi, salope. On va baiser ta femme, comme dans la chanson." Booba explique, lui, qu'il avait en tête une vidéo de Kaaris où il menace de "tuer le roi" : "Je vais te briser les os, je vais boire ton sang".

Booba avait posté le visage de son ennemi avec un corps de singe, fort de ses millions d'abonnés sur Twitter ou Instagram. Avec ce déchaînement, à distance, les deux rappeurs ont reconnu qu'il ne fallait surtout pas qu'ils se rencontrent.

Ex-amis devenus pires ennemis

Au début de la décennie, ils étaient pourtant les meilleurs amis du monde. Au point que, Booba le rappelle régulièrement, l'aîné a aidé son cadet à percer commercialement, en 2011 et 2012. Le Duc attendait en retour une gratitude sous forme d'allégeance sans limite, comme d'insulter La Fouine et Rohff, qu'il déteste. En refusant, Kaaris a transformé son mentor collectionneur de disques d'or en pire ennemi.

Les magistrats de Créteil vont devoir se plonger dans un univers qui n'est peut-être pas leur tasse de thé, celui du rap hardcore, avec ses textes souvent crus ou violents, obscènes ou haineux.

Les juges ne les appelleront pas Booba et Kaaris, leurs pseudonymes de chanteurs, mais par leurs vrais noms : Elie Yaffa et Okou Armand Gnakouri. Ils s'y préparent sûrement avec leurs conseils, l'un et l'autre ne devraient pas fanfaronner dans la salle d'audience du tribunal, tant ils redoutent de retourner en taule.

Booba, taulard chevronné

Booba, lui, n'en était pas à son premier séjour derrière les barreaux. Il a commencé dès la fin des années 1990, après avoir braqué un chauffeur de taxi.

Au début du millénaire, il repasse plusieurs fois par la case prison. Le 4 août 2018, lorsqu'il atterrit au bâtiment D3 de la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), le plus grand centre pénitentiaire européen avec 4 200 détenus, Booba est placé dans un quartier dit "spécifique", proche des conditions de vie du quartier d'isolement.

L'administration pénitentiaire a veillé à ne pas le loger dans une cellule individuelle proche de gros braqueurs, afin d'éviter toute provocation.

Selon les surveillants interrogés par L'Express, la détention de Booba, qui connaît parfaitement les codes de la vie carcérale, s'est déroulée sans incident. A l'exception d'un tweet acide et ironique publié via son manager : "Quand je serai grand, je voudrais être Benalla ou moine pédophile."

Si le taulard chevronné Booba a vécu un séjour carcéral quasi tranquille, tel n'est pas le cas de Kaaris à la maison d'arrêt de Fresnes (Val-de-Marne), avec ses 2 534 détenus pour 1 320 places.

"Une détention dans un espace à la vétusté totale, regrette son avocat David-Olivier Kaminski. D'autant plus difficile qu'il l'a perçue comme une injustice." Inauguré en 1898, le bâtiment n'a en effet rien de moderne.

Comme tous ceux qui séjournent en prison pour la première fois, Kaaris a subi le "choc carcéral", même si, comme l'ont confié à L'Express des surveillants, il n'a eu pas un régime totalement classique de détention, bénéficiant d'une zone pour "isolés médiatiques" et d'une cellule individuelle pas trop dégradée, contrairement à celles qui sont triplées avec matelas au sol.

D'où quelques tensions entre le rappeur et le personnel, surtout autour de l'affaire des photos et vidéos réalisées en détention, où on le voit en cellule ou en cours de promenade, et postées sur les réseaux sociaux. "Ces images ont été faites à son insu, plaide Me Kaminski, notamment la capture d'un écran de l'administration avec sa fiche de détenu." Sur ces débordements, une enquête préliminaire est toujours en cours, ce que confirme à L'Express le parquet de Créteil.

"Tu te sens comme une merde"

Pas de doute, donc, Kaaris et Booba feront tout pour convaincre les juges de ne pas les renvoyer en prison.

Au début de l'été, un mois avant son incarcération à Fleury-Mérogis, Booba se confie au Monde de manière très amère sur ses souvenirs de détention...

Lire la suite sur L'Express



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